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Manifeste contre le travail

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Krisis

Robert Kurz, Ernst Lohoff, Norbert Trenkle

 

   En 1999, alors que déjà le mouvement alter-confusionniste néo-keynésien et son idéologie alter-capitaliste de défense des « services publics » déployait tout juste au lendemain du contre-sommet de Seattle, la léthargie croissante de son anticapitalisme tronqué contre le seul « capitalisme financier », la revue allemande « Krisis » fondée en 1986 par Robert Kurz, Norbert Trenkle, Ernst Lohoff, Roswitha Scholz et Peter Klein, décidait de synthétiser en un nouveau grand Manifeste ses réflexions théoriques en rupture avec l'ensemble des courants marxistes du XXe siècle et plus encore avec cette gauche néo-keynésienne, dans un livre à large diffusion : le fameux Manifeste contre le travail

 Après le Manifeste du parti communiste en 1848, après ce qui tient lieu de manifeste situationniste avec De la misère en milieu étudiant, la « critique de la valeur » (Wertkritik), trouve là son texte phare, qui en comprenant le travail et la valeur comme une activité et une catégorie historiquement spécifiques à la seule formation sociale capitaliste, avance qu'il ne faut pas libérer le travail du capital, mais se libérer du travail en tant que tel. On ne saurait confondre cette forme d'activité intrinsèquement capitaliste avec le métabolisme avec la nature, en ce sens qu'elle structure une forme de vie sociale inédite et historiquement récente. Loin d'être extérieur et hétérogène au capital, le fétiche-travail est ainsi saisi comme l'autre face du rapport-capital, il en est son fondement social le plus profond. 

Un dépassement révolutionnaire de la forme de vie sociale capitaliste qui doit désormais pointer au XXIe siècle, au-delà de l'ensemble des fondements de celle-ci en visant la totalité dialectique capitaliste : au-delà du travail, de l'argent, de la valeur, de la marchandise, des classes, de la forme juridique et de l'Etat. 

A imprimer et à diffuser sauvagement !

logo-pdf.pngVoir le Fichier : manifeste_contre_le_travail-brochure.pdf

Quatrième de couverture :

Il y a cent cinquante ans, Marx affirmait la nécessaire sortie du capitalisme par le moyen de la lutte des classes. Cent vingt ans plus tard, l'Internationale situationniste, emmenée par Guy Debord et Raoul Vaneigem, élargissait la définition du prolétariat et mettait en cause la société du travail et de la consommation. Le Manifeste contre le travail reprend la critique là où les situationnistes l'avaient arrêtée. Dans une société obsédée par la " valeur travail " et l'effroi que suscite sa possible disparition, ce petit livre-manifeste reprend le combat contre la transformation de l'homme en " ressource humaine ". Il rappelle qu'une émancipation digne de ce nom ne peut faire l'économie d'une critique radicale de l'idéologie du travail. Autrement dit, il ne s'agit pas de libérer le travail, mais de se libérer du travail.

Réplique aux critiques du

Manifeste contre le travail

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Clément Homs

  A la parution du Manifeste contre le travail au début des années 2000, la gauche marxiste traditionnelle (orthodoxe et hétérodoxe - notamment sous la plume de Charles Reeve) comme la mouvance anti-industrielle (notamment l'Encyclopédie des Nuisances sous la plume de Jaime Semprun ou Jean-Marc Mandosio), ne surent que faire d'une critique radicale qui s'attaquant pour la première fois à la totalité des formes catégorielles capitalistes (à la fois objectives et subjectives) ridiculisait de larges pans du tranquille café du commerce qui leur servait jusque là de cadre de réflexion. La société industrielle reste une catégorie unilatérale non-médiatisée portée par une mouvance anti-industrielle qui naturalise toujours le travail et ne voit le procès de production que sous la forme d'un procès technologique non médié par le procès du travail abstrait à l'oeuvre dans la réalité sociale. Les lignes de front à l'intérieur du champs de ce qui se voulait être une critique radicale de l'immonde présent ne cessèrent de bouger.

   La boussole n'indiquait plus le nord magnétique et toute la gauche dite radicale s'affolait : ce n'était plus la seule survaleur (et donc l'exploitation du surtravail), la classe bourgeoise (l'élite de fonction du capitalisme), « l'Etat au service des capitalistes », la « société industrielle », les inégalités dans la répartition de l'argent et du pouvoir, qui étaient les objets de la critique, mais bien plus que cela : le Manifeste s'attaquait aux formes basales de la forme de vie sociale capitaliste. Ce qui déplaçait également la nature de ce qui doit être conçu comme le dépassement du présent. En remontant jusqu'à ses racines sociales les plus profondes, le capitalisme était en effet interprété comme une véritable forme historique de vie sociale déterminée par une l'existence-fétichiste de ses rapports sociaux fondamentaux constitués par le travail abstrait (que Marx saisit sous la catégorie du « sujet automate »). Impliquant une rupture dans la théorie de la révolution, cette rupture dans la théorie critique du rapport-capital, entraînait ainsi une attaque frontale du travail, de la valeur, de l'argent et de la marchandise en tant que tels, alors que dans l'anticapitalisme tronqué ils restent le cadre supposé éternel et transhistorique de la reproduction de la vie sociale. Et c'était là quelque chose d'intolérable pour une gauche imprégnée par le marxisme traditionnel, le paradigme du progrès et de la justice économique.

  Cette gauche avait transhistorisé et naturalisé ces formes sociales au noyau des rapports sociaux capitalistes. Comme si le travail, la valeur, l'argent, etc., en un mot l'économie en tant que réalité, pratique et idée (y compris au sens substantif de Karl Polanyi) avait toujours existé depuis la nuit des temps et dans toutes les formes de société. Pour les uns comme pour les autres de ces critiques du Manifeste qui restaient pieds et poings liés dans le cadre immanent de l'ontologie capitaliste, il s'agissait de se libérer soit des capitalistes, soit de la « société industrielle », mais certainement pas du travail (et ses catégories dérivées, valeur et argent) qu'il fallait au contraire affirmer positivement soit dans sa forme capitaliste industrielle (pour les marxistes traditionnels et sa pente industrialiste et productiviste) soit dans sa forme capitaliste proto-industrielle/artisanale rêvée comme levier en vue de construire une autonomie. Même quand L'Encyclopédie des Nuisances arrivait à pointer dans la direction d'une transformation de la forme de vie sociale, ce n'était jamais pour dépasser la forme de vie capitaliste structurée par le travail, mais pour affirmer positivement ce qui avait été une de ses configurations historiques passées (en affirmant la catégorie naturalisante de l'oeuvre d'Hannah Arendt, ou la paysannerie et l'artisanat capitalistes pré-industriels du XVIIIe siècle). 

  Face à ses commentaires critiques du  Manifeste contre le travail qui cherchèrent à bavarder sur des aspects secondaires pour mieux éviter de discuter le fond de l'apport de la critique de la valeur (c'est-à-dire la critique catégorielle des formes basales du capitalisme et la théorie de la crise qui devaient apparaître théoriquement trop obscures ou trop « allemande » pour des analyses superficielles), on pourra lire la réplique suivante et sans appel à ces critiques faites du point de vue du travail (le marxisme traditionnel par exemple d'un Charles Reeve) ou du point de vue de la petite propriété indépendante et d'un mode de production jardinier et artisanal (Jaime Semprun, Jean-Marc Mandosio et le reste des anti-industriels) : 

   Norbert Trenkle,

" Critique du travail et émancipation sociale. Réplique aux critiques du Manifeste contre le travail ".

Ce texte est publié aussi en France sous forme d'une brochure chez deux éditeurs Pire Fiction et Vaine Pâture (traduction de l'allemand par Gérard Briche).  

Couv Norbert trenkle0032

Tag(s) : #Présentation de la critique de la valeur
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