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Editorial du n°20 de la revue Exit ! 

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Roswitha Scholz

Décembre 2022

    Depuis l’effondrement du « socialisme réel », la gauche dans son ensemble se trouve dans une situation de désolation. Elle a manqué l’occasion de penser les événements de manière critique — et surtout autocritique, vis-à-vis du champ de ses propres actions et pensées. Ainsi, les « gauchistes » se sont retrouvés entre, d’une part, la tristesse de la perte de l’alternative socialiste couplée à une attitude de défi du style : « On ne change rien », et, d’autre part, l’aspiration à être à la pointe du capitalisme, à y être reconnus et à y participer.

Tandis que les années 1990 étaient encore marquées par une ambiance de fête et par la conviction que le capitalisme serait éternel, nonobstant les guerres civiles présentes partout sur le globe, de premières fissures dans la charpente du capitalisme apparemment victorieux sont apparues avec la crise des États dits Tigres asiatiques (en lesquels on avait auparavant placé l’espoir d’un grand avenir capitaliste). Avec la crise de la bulle internet, cette tendance s’est poursuivie, pour atteindre son point culminant provisoire avec le crash de 2008.

Le néolibéralisme et la mondialisation ont caractérisé cette évolution, en particulier depuis la fin des années 1980. L’ajustement structurel dans les pays dits du tiers-monde et la restructuration de l’État social en Allemagne (Hartz IV[1], etc.) en furent les conséquences. Déjà à cette époque, cela donna naissance à des critiques de gauche contre la mondialisation, avec parfois des connotations structurellement antisémites[2]. À la suite de l’union du PDS et du WASG[3], la gauche allemande a semblé regagner de l’influence sur le plan parlementaire au milieu des années 2000. Dans d’autres régions du monde, des lueurs d’espoir semblaient également naître. En Grèce, en Espagne, au Venezuela, des gouvernements de gauche furent instaurés, le « printemps arabe » était sur toutes les lèvres, etc. Après une réaction de panique, le crash semblait écarté par les plans de sauvetage, ce qui incita Robert Kurz à publier plusieurs textes, entre autres « Crise mondiale et ignorance » (2013), pour tempérer les espoirs de révolution ; ainsi qu’un appel aux dons pour Exit ! de l’année (2011/2012) qui portait le titre « Pas la moindre révolution, nulle part »[4]. De telles prédictions ont depuis été confirmées.

En Allemagne, l’AfD[5] et Pegida[6] ont fait leur apparition. C’est au plus tard avec l’élection de Trump que l’extrême-droite a pris son envol, une évolution prévisible depuis plusieurs décennies. L’élection de Trump a notamment été provoquée par l’obsolescence du travail abstrait (directement visible dans la Rust Belt[7]), associée à des tendances à l’appauvrissement et à la paupérisation, ainsi qu’au déclassement ou à la peur du déclassement des classes moyennes. Cela vaut également pour l’émergence de l’AfD et de Pegida en Allemagne, ainsi que pour la montée et le succès d’autres partis d’extrême-droite dans de nombreux pays. La droitisation qui avait déjà commencé dans les années 1980 a désormais atteint son point culminant. Même si cette évolution ne s’est pas poursuivie de manière linéaire — comme on sait, Trump et Bolsonaro n’ont pas été réélus —, cette tendance devrait s’accentuer si la situation socio-économico-environnementale continue de s’aggraver.

Dans ce contexte, la crise de la Covid et la guerre en Ukraine se révèlent des accélérateurs de  crise. Trump avait déjà tenté une politique protectionniste par le biais de droits de douane. La crise de la Covid et la guerre en Ukraine ont montré et dévoilent de plus en plus clairement à quelles distorsions cette politique conduit : les chaînes de création de valeur et d’approvisionnement se rompent, avec les conséquences que cela implique : pénuries d’énergie et de nourriture, froid et faim. Comme dans le sillage du crash de 2008, des paquets (de sauvetage) sont à nouveau ficelés  pour amortir la crise. Ce n’est pas tout : l’augmentation des dépenses militaires alimente l’endettement public. On peut d’ores et déjà prévoir que les plans de sauvetage seront suivis de plans d’austérité. Les turbulences sur les marchés financiers, qui laissent présager un nouveau crash, se font sentir depuis longtemps.

À partir des années 1990, on assiste à une recrudescence de théories du complot[8]. Depuis la pandémie, de tels fantasmes ont pris une nouvelle ampleur et un mouvement de pensée confusionniste (Querdenken[9]) a connu un succès croissant : le virus du Corona ne serait pas pire que celui de la grippe ; il aurait été inventé ou instrumentalisé pour imposer une gestion de crise répressive de la part des « dirigeants » ; Bill Gates, George Soros et d’autres sont derrière la pandémie ; on viserait un « Great Reset » (Klaus Schwab/Thierry Malleret) ; l’industrie pharmaceutique et le Big Data profitent de cette évolution et l’alimentent ; on dénonce un Deep State (« État profond ») dont la politique serait menée par des hommes cachés dans l’ombre, etc. Voilà ce que l’on peut lire dans certains organes spécialisés de la pensée confusionniste comme Rubikon ou Nachdenkseiten. Les prophètes de droite, de la pensée confusionniste et du crash ont donc le vent en poupe. Dans ce contexte, même des intellectuels de la pensée confusionniste comme Fábio Vighi reprennent des argumentations de la critique de la valeur de façon totalement décalée[10]. Après qu’une analyse de gauche de « l’effondrement de la modernisation » (Robert Kurz) ait fait son apparition puis ait été rejetée avec mépris, elle est maintenant reprise dans ce nouveau cadre délirant.

Plus les tendances d’extrême-droite et autoritaires augmentent, plus les courants qui se situent au-delà de la droite et de la gauche et réunissent des groupes issus d’horizons divers ont le vent en poupe. L’aggravation de la crise fait ainsi basculer de nombreuses personnes de gauche. Les idées de droite se mélangent à des idées de gauche. Au lieu de s’opposer à un ressentiment grandissant face au déclin du capitalisme, ainsi qu’aux structures et mécanismes correspondants, ce ressentiment se lâche aveuglément.

Cela s’inscrit dans le contexte d’une tendance générale à la régression et à la restauration, même à gauche, comme nous l’avons déjà constaté à plusieurs reprises chez Exit! ; on s’accroche toujours plus au mythe de la lutte des classes, aux « classiques » comme Lénine, à une généalogie de gauche malgré la chute du bloc de l’Est, etc. Avec le conflit ukrainien, la réaction s’absolutise : on prend parti pour Poutine au lieu de considérer les structures sous-jacentes dans ses dimensions globales, historique et mondiale, qui ne laisse en aucun cas l’Occident indemne. Sahra Wagenknecht en est un exemple. Dans l’ensemble, on constate qu’après la crise de la Covid, la pensée confusionniste s’est focalisée sur la guerre en Ukraine et — contrairement à la diabolisation habituelle de Poutine — sur la justification de la politique russe, la Russie étant présentée comme une victime et l’Occident comme le véritable agresseur.

La crise de la Covid, en particulier, avait accentué les clivages déjà existants dans la société. Ces divisions touchent également les milieux de la gauche. Dans le contexte d’Exit ! également, cette crise a conduit à des conflits, et finalement à des scissions. La critique de la valeur, ou la critique de la valeur-dissociation, se retrouve de facto transférée dans un contexte de pensée confusionniste. En conséquence, elle est édulcorée, et la pensée confusionniste banalisée. Soudain, les vues marxistes vulgaires en termes de haut et de bas s’appliquent à nouveau : « Elles [la science et la médecine, RS] ont presque toujours été au service de l’État et du capital, et leur structure de base en est imprégnée »[11].

Il faut plutôt prendre en compte le caractère fétiche des rapports capitalistes. Les rapports sont certes créés par les humains, mais ils s’autonomisent face à eux. Andreas Urban, quant à lui, suppose que le rapport entre action et structure est plus ou moins de cinquante-cinquante et que ce rapport fétiche apparaît dans la relation capital-entrepreneur, les deux étant posés indifféremment l’un à côté de l’autre. Le « sujet automate » est de ce fait annulé. Pourtant, Horkheimer et Adorno soulignaient déjà dans La dialectique de la Raison que la société l’emporte sur les individus et que ces derniers, dans un souci d’autoconservation, deviennent des « amphibies », contribuant à maintenir la société telle quelle.

A contrario, Urban & Co réactivent sans vergogne la vieille conception de la société obéissant à une explication personnifiante faite de capitalisme/État — prolétaire/petit homme subalterne et, par là, réduisent à néant la critique de la valeur-dissociation. Aujourd’hui, le rapport fétiche ainsi défini déraille, avec pour conséquence qu’en ces temps de crise, le ressentiment encouragé par Urban, Jappe et d’autres s’impose de plus en plus chez les individus : Urban, qui semble détenir la vérité de la critique de la valeur, écrit : « Dans ce contexte, on ne voit donc pas du tout pourquoi l’analyse et surtout la critique de certaines tendances de l’action et du calcul de l’État ou de diverses fractions du capital seraient en soi contraires à la critique de la valeur (-dissociation) ». Il s’agit là d’un choix théorique non seulement arbitraire, mais aussi incohérent, qui ne peut en aucun cas être mis en relation avec la critique de la valeur (-dissociation) et les traditions de pensée dialectique. Car c’est au niveau empirique de l’apparence — et cela comprend en particulier l’action (guidée par les intérêts) des hommes — qu’apparaît pour ainsi dire l’essence sociale. Celui ou celle qui pense pouvoir se dispenser d’inclure dans l’analyse et la critique de la crise finale l’action de l’État et certains agendas et calculs des élites de fonction (certes pas comme raison ultime et comme « cause » des évolutions sociales, mais justement comme forme concrète de manifestation de l’essence sociale), peut faire beaucoup de choses, mais certainement plus de « critique de la valeur (-dissociation) ».[12]

A contrario, Robert Kurz analysait déjà, en ce qui concerne l’importance des rapports de volonté dans le marxisme traditionnel, pourquoi on ne s’interroge pas sur la « constitution sociale » et la raison de sa reproduction permanente : « La raison de ce désintérêt est simple : dans l’approche sociologique réductrice, les rapports sociaux sont en fin de compte ramenés à de purs rapports de volonté. Le capitalisme existe parce que les sujets qui le portent le ‘‘veulent’’. Le capitalisme est donc pour ainsi dire identique aux capitalistes qui se veulent tels (propriétaires privés du capital financier, mais aussi managers) ou au collectif social de la classe des capitalistes. C’est à cette volonté des sujets capitalistes que la majorité de la société s’est soumise en tant que salariés » [13].

Dans ce contexte, la critique de la valeur-dissociation ne vise pas simplement à saisir la subjectivité dans la constellation capitaliste-prolétaire, mais le citoyen ordinaire lui-même, dont Urban/von Uhnrast et Jappe adoptent la position de manière populiste : « Comme l’horizon interne du développement capitaliste s’est obscurci, l’opposition émancipatrice ne peut plus être formulée dans les catégories du système marchand moderne. Mais cela signifie aussi qu’il n’est plus possible de combattre simplement un ennemi extérieur facilement définissable (la « classe possédante », les « forces réactionnaires », l’« impérialisme », les pouvoirs établis de longue date, etc.), mais que la forme propre d’action constituée par le capitalisme est également obsolète. Ce n’est pas seulement difficile à comprendre, c’est aussi difficile à supporter »[14]. Au lieu de cela, chez Urban & Co, les rapports fétichistes ne déterminent l’action des acteurs qu’en « dernière instance », comme s’ils étaient simplement extérieurs aux individus et aux acteurs, et que ceux-ci étaient par ailleurs autonomes.

Il s’agit de faire comprendre que l’opposition entre les classes n’est que superficielle, que la lutte des classes est une lutte immanente au système pour la répartition, enfin que le fétichisme du capital doit être mis au jour en tant qu’élément sous-jacent méconnu[15]. « Ce qui dépasse les sujets agissants et constitue la condition réelle de la valorisation, c’est cependant la totalité du ‘‘sujet automate’’, l’a priori constitutif et transcendantal qui ne fait qu’apparaître dans le capital individuel, mais qui n’est pas catégoriquement celui-ci. Seul le capital total est l’auto-mouvement de la valeur, en quelque sorte  le ‘‘monstre respirant’’ qui se pose face aux acteurs, bien qu’ils le produisent eux-mêmes » [16]. En lien avec cela, il ne faudrait pas non plus considérer par exemple « les machinations des États-Unis » dans le sens d’une ontologie de la volonté de puissance abstraite, comme c’est le cas chez Urban[17]. Il s’agirait plutôt de les comprendre et de les analyser comme une partie du contexte capitaliste global. Urban reproche à la critique de la valeur-dissociation de contrecarrer sa critique de la logique de l’identité en mettant sur le même plan les corona-sceptiques critiques de la valeur et les corona-sceptiques tout court. Mais il s’agit du contenu et du contexte de pensée dans lequel s’articule ce contenu, sinon on pourrait — de manière purement formelle et mécaniquement critique de l’identité — insister sur le fait qu’il existe aussi de nombreux nazis différents et que tous ne peuvent pas être mis dans le même sac. Cependant, comme nous l’avons déjà évoqué, les penseurs confusionnistes critiques de la valeur cherchent à donner un fondement à une position négatrice/minimisante de la Covid qui est en soi problématique. Il s’agirait d’un développement de la critique de la valeur-dissociation « à la hauteur de l’époque » [18]. Or, nos « minimisateurs » du Corona devraient plutôt penser contre eux-mêmes, au lieu de tordre soudainement et complètement des éléments essentiels de la critique de la valeur-dissociation, et de jeter aux pieds d’une critique de la valeur-dissociation telle qu’elle existait jusque-là une analyse aussi éphémère en guise de développement, selon la sentence « oiseau, mange ou meurs[19] ». Il s’agit, chez ces confusionnistes critiques de la valeur qui en reviennent à la critique personnifiante du capitalisme, d’un virage à 180 degrés.

Ils ne comptent pas — comme ils le suggèrent — mettre en évidence des contradictions, mais prendre parti — même si c’est de manière embarrassée — pour un côté, celui du confusionnisme, parce qu’ils croient y reconnaître une défense de la liberté menacée par l’action des dominants. Il n’y a là aucune démarcation vis-à-vis des confusionnistes, leur position est simplement affirmée comme présupposée de manière formelle et donc sans contenu. Comme démarcation, il ne reste que les « oui mais » et « néanmoins », largement utilisés pour se distinguer, la pensée confusionniste l’emportant de manière brouillonne. Nous avons souligné le potentiel de répression de la politique des mesures sanitaires, et cependant on nous a sérieusement reproché de nager avec le courant dominant.

La pensée confusionniste a pour habitude de se servir de certains éléments de la critique de gauche pour les tordre ensuite vers la droite et la théorie du complot. Les « minimisateurs » du Corona pratiquent de facto une vulgarisation de la critique de la valeur, qui s’apprête à donner la parole à des positions confusionnistes problématiques se réclamant d’une configuration démocratique elle-même obsolète depuis longtemps, et peut donc d’autant plus se laisser récupérer par la droite, sur la base de chiffres et de données que les auteurs eux-mêmes précisent être insuffisants.

Ce type de religionisme statistique, qui a même été dénoncé par leur comparse confusionniste des Streifzüge[20], Franz Schandl, dans un texte intitulé « La plus morte des continuités ou le fétichisme des faits »[21] dirigé contre les partisans des mesures anti-Covid, est désormais présenté en opposition aux positions d’Exit ! La critique adressée à Exit ! consiste à prétendre que le refus de se positionner clairement du côté des critiques des mesures et contre la répression des « dominants » est sans doute dû au fait que des théologiens y collaborent, et qu’ils ont fait valoir leur influence moralisatrice. On ignore délibérément que les « théologiens » critiques de la valeur-dissociation et membres d’Exit ! sont plus que sceptiques à l’égard de la morale et de l’éthique[22]. Précisément, leur critique avance que les rapports-fétiches, qui devraient faire l’objet d’une réflexion critique, sont présupposés dans les discours éthiques et moralisateurs. On ne veut pas voir que les véritables théologiens moralisateurs aux arguments fondamentalistes se trouvent du côté des confusionnistes qui proclament : « La vaccination est un péché », tel le pasteur Martin Michelis. Jappe non plus ne se prive pas de faire la morale en plaidant sur le même site qu’en ce qui concerne la problématique de l’environnement et la consommation de ressources en gaz, l’on devrait profiter des sanctions vis-à-vis de la Russie pour viser une perspective transcendante. Il évoque un « cercle de vertu » comme moyen efficace[23].

Chez Urban & Co, le confusionnisme, l’antisémitisme structurel et les médias confusionnistes sont systématiquement banalisés. Ils ne sont considérés que sous l’angle de leur bizarrerie, pour s’inscrire ensuite, en un grand geste de résistance et malgré leur ambiguïté, dans l’opposition critique de la valeur-dissociation. Ils appartiennent à une « résistance démocratique » qui défend la liberté contre la répression. La pensée selon laquelle la démocratie mange ses enfants[24] est manifestement étrangère aux confusionnistes critiques de la valeur. C’est pourquoi il faut se ranger uniquement d’un côté. Ainsi, le fait qu’il existe, dans la phase de déclin du patriarcat capitaliste, des démocrates autoritaires et des autoritaires démocratiques, ne peut plus être compris. On se range du côté de la démocratie pour déplorer « les plus grandes pertes de liberté depuis 1945 » (Anselm Jappe). Ce que l’on savait depuis longtemps tombe ainsi sous les coups d’une maladie d’Alzheimer, par exemple ce que Robert Kurz écrivait il y a plus de vingt ans (et l’on peut également trouver de tels fondamentaux dans des articles antérieurs) : « Le monde démocratique est donc un monde de la ‘‘contrainte muette’’ (Marx), qui en tant que loi de valorisation de l’argent, apparaît sous de nombreuses formes. La grande et historique avancée émancipatrice de la démocratie a été que tous les hommes ont pu devenir un ‘‘soi’’ sans barrières corporatives ; mais peu à peu, il s’est avéré que ce ‘‘devenir soi’’ avait un prix terrible. La soumission par la naissance au ‘‘maître’’ personnel a été remplacée par la soumission à la domination impersonnelle et bien plus totale de l’argent. Chacun a le droit d’être ce que la société marchande totale a fait de lui. Chacun a le droit de défendre ‘‘ses intérêts’’, même s’il s’agit de ceux d’un ‘‘sans-abri’’ ; mais c’est déjà cette catégorie d’‘‘intérêt’’, façonnée par la marchandise, qui l’enchaîne structurellement à sa propre misère. La démocratie est la liberté envers la mort, du moins pour une majorité croissante de l’humanité. Ce noyau de la répression sans sujet, cette soumission du processus vital aux lois fétiches abstraites de la modernité, a dès le début incité à la critique et à la rébellion. Alors que la critique de gauche a cherché, aussi désespérément que vainement, à prolonger la rationalité occidentale au-delà de sa portée objective, la critique de droite (et ‘‘d’extrême droite’’) a toujours mobilisé des moments d’irrationalisme, un irrationalisme qui n’est pourtant que le revers obscur de la rationalité occidentale elle-même »[25].

Lors de la mobilisation pour la défense de la démocratie contre les mesures anti-covid, les penseurs confusionnistes critiques de la valeur niaient la dangerosité de la pandémie. Une référence à Ivan Illich montre le cynisme total que cette position entraîne : « Dans l’‘‘ancienne normalité’’ d’avant 2020, il y avait encore un consensus médical relativement large sur le fait que les personnes très âgées n’avaient que peu de chances de survivre à une ventilation artificielle invasive en raison de la charge massive que cela représentait pour leur corps, raison pour laquelle on s’abstenait plutôt de pratiquer de telles interventions de médecine intensive dans la plupart des cas. Il est aujourd’hui à peu près certain que la mortalité plus élevée, en particulier pendant la première vague de la Covid, est probablement due, au moins en partie, à la pratique de la ventilation invasive précoce chez les patients Covid hospitalisés, et en particulier chez les patients très âgés. En ce qui concerne cette pratique, on peut peut-être suivre Ivan Illich et la considérer comme une manifestation de ce refoulement moderne de la mort, lorsqu’Illich parle entre autres, en ce qui concerne la ‘‘mort sous thérapeutique intensive’’, d’un ‘‘exorcisme multiforme contre toutes les ‘‘mauvaises’’ morts. Les grands rouages des institutions constituent un gigantesque programme de défense de l’‘‘humanité’’ contre les facteurs de mort : hommes ou classes. C’est la guerre totale’’ ».[26]

Une telle référence à la mort n’a bien sûr pas grand-chose à voir avec la critique du refoulement de la mort, telle qu’elle est formulée dans la critique féministe de la dissociation du féminin, dans les sciences naturelles, qui s’oppose en même temps par exemple à l’énergie nucléaire. La défense de la mort par Urban/Uhnrast se rapproche en revanche d’une héroïsation et d’une célébration de la mort, comme on peut la trouver dans Orages d’acier d’Ernst Jünger ou dans la « liberté envers la mort » chez Heidegger.

Dans ce contexte, ils établissent un lien entre le traitement de la guerre d’Ukraine en Occident et la crise de la Covid, et voient la même logique à l’œuvre dans les deux cas : « Depuis le début de la guerre d’Ukraine, nous observons dans l’opinion publique des parallèles remarquables avec les débats de société qui ont eu lieu pendant la crise de la Covid [...], qui a largement déterminé le discours de ces deux dernières années : à l’aide d’un énorme appareil de propagande, on produit un ‘‘consensus’’ public qui ne tolère aucune contradiction ni même aucune différenciation. Si, lors de la ‘‘guerre contre le virus’’, une ‘‘communauté solidaire’’ avait déjà été créée et invoquée, réagissant avec véhémence contre tous ceux qui osaient poser des questions stupides (sur les confinements, les masques obligatoires, les vaccins, etc.), une armée de ‘‘solidaires’’ se tient désormais également aux côtés du gouvernement ukrainien et unis contre l’agresseur russe » [27].

La rédaction d’Exit ! a décidé de ne pas publier les textes de Jappe, Urban, von Uhnrast sur son site, pour la simple raison qu’il s’agissait de textes diamétralement opposés à la pensée critique de la valeur-dissociation[28].

En les publiant, nous nous serions désavoués. Nous n’avons pas non plus répondu à l’exigence de nous pencher en détail sur les longs développements d’Urban/von Uhnrast, qui logiquement sont incohérents et contradictoires. Nous ne voulions pas nous perdre dans des débats qui coupent les cheveux en quatre, comme si leur hypothèse de base d’une critique personnifiante et relevant d’une critique marxiste vulgaire du capitalisme n’avait pas fait l’objet de critiques dans nos textes depuis des décennies. Entre-temps, les textes de Jappe, Urban et von Uhnrast ont fait leur chemin et ont été diffusés et commentés dans des cercles confusionnistes prétendument « de gauche ».

En temps de crise, il est à craindre qu’une telle pensée confusionniste se répande comme une des variantes du bon sens, représentant un véritable danger public en refusant d’aller sur les niveaux plus généraux. Ce faisant, elle défend une nouvelle normalité post-postmoderne qui se réclame, de manière restauratrice et régressive, du passé et d’une « vie » abstraite (incluant la mort des plus faibles selon le darwinisme social), au lieu d’envisager une rupture catégorielle qui remettrait radicalement en question de telles conceptions. Après la scission de Krisis, il y a 19 ans, on avait déjà constaté un tel virage à droite d’une critique de la valeur tronquée, en particulier dans les Streifzüge.

Il n’est donc pas étonnant qu’Andreas Urban publie désormais chez ces mêmes Streifzüge et y déplore que des étudiants aient voulu bloquer une série de manifestations organisées à l’université de Vienne par des confusionnistes[29]. On peut également trouver chez lui une approbation critique de la pensée confusionniste de gauche.[30] Mais Streifzüge n’a de toute façon aucun problème à juxtaposer des positions différentes (voir l’éditorial d’Exit ! n° 14). Il s’agit, du point de vue de la critique de la valeur-dissociation, de s’opposer fortement à toute pensée confusionniste et de contrer ainsi toute droitisation, plutôt que de contribuer, dans un langage pseudo-gauchiste, aux tendances à la barbarisation. La critique de la valeur-dissociation est aujourd’hui marginalisée. Ce n’est pas un hasard à une époque où l’on veut tout diluer dans les notions d’intérêt, d’identité et de concernement[31]. Notre critique, par exemple celle de Thomas Meyer à l’égard du transhumanisme, d’une perspective de genre non matérialiste ou d’une numérisation globale, est en l’occurrence tout à fait différente de celle que l’on trouve dans les contextes de la pensée confusionniste, qui veut au fond s’accrocher de manière primitive et réactionnaire à ce qui existe au lieu de le transcender. C’est le style et l’astuce des penseurs confusionnistes que de s’approprier les idées de gauche et de les tordre dans leur sens, en sorte que « la groite et la dauche ne sont plus à corfondne », pour reprendre ici une célèbre formule d’Ernst Jandl.

Cela implique aussi qu’une normalité moisie et dangereuse soit (de nouveau) présentée comme honnête, décente, voire résistante, en chassant tout ce qui est « déviant » et en se référant à un concept ontologique de la liberté qui, en fin de compte, s’enracine dans l’idéologie démocratique-capitaliste, laquelle signifie aussi le droit libéral à une existence de Lazare. Exit ! vise quelque chose de totalement différent.

La gauche mainstream n’est pas seulement restée bloquée dans des catégories, des idées et des références traditionnelles, mais, en temps de crise qui s’aggrave, elle régresse encore davantage et fait une roulade arrière — et ce jusque dans les cercles d’Exit ! Ainsi, la critique de l’antisémitisme structurel, pourtant bien connue, est jetée par-dessus bord non seulement chez les penseurs confusionnistes critiques de la valeur, mais aussi dans la gauche en général.
Au lieu de fouiller encore et toujours dans la boîte à souvenirs, la gauche à terre a d’abord besoin d’un nouvel/autre système de référence (théorique) et de pensée pour comprendre la crise mondiale actuelle, mais aussi pourquoi elle est elle-même en crise. C’est pourquoi nous avons rappelé ici quelques éléments essentiels de la critique de la valeur, que l’on trouve notamment dans les textes de Robert Kurz. Notre tâche est de continuer, aujourd’hui plus que jamais, à rendre visibles les structures et les mécanismes (généraux) dans le sens de la valeur-dissociation (la « dissociation » étant fréquemment oubliée, et pas seulement dans le conflit évoqué). Ce n’est qu’à partir de là que l’on peut tenter d’identifier des alternatives pratiques sans favoriser et envisager d’emblée celles qui sont irréalistes. Il s’agit donc de maintenir une critique sociale radicale, d’opérer une rupture catégorielle, même si elle ne parle actuellement qu’au nom de quelques-un.es, mais avec la conviction que rien n’est définitif.

En raison des saloperies, non seulement de la droite, mais aussi de la gauche, il peut sembler à l’heure actuelle qu’il faille chercher une nouvelle perspective d’émancipation au-delà de la droite et de la gauche. À notre avis, cela ne peut pourtant se faire que dans le contexte d’une tradition de gauche, en tenant compte des contradictions sociales. Dans cette tradition, il faut insister sur ce qui n’a pas été conquis : l’abolition des structures abstraites de domination, l’association des individus libres, la réconciliation avec la nature, l’élimination des disparités et des hiérarchies sociales, non seulement économiques et éducatives, mais aussi liées au racisme, au sexisme, à l’homophobie, à l’antisémitisme et à l’antitziganisme, à l’hostilité envers les personnes âgées et les handicapés, tout ce qui jusqu’à présent est perçu dans la gauche comme des contradictions secondaires, ce qui doit être fortement critiqué ! Si ces dimensions sont incluses, en tenant compte de leur logique propre, il en résulte une toute autre auto-perception qualitative de la gauche que celle existante jusqu’à présent.

Une émancipation ainsi comprise ne peut pas être simplement revendiquée de manière volontariste ; en intégrant précisément l’action humaine, elle doit naître des contradictions sociales, et non pas d’un simple postulat moral abstrait. En tant que désir abstrait, elle ne fait que répondre à des besoins « autonomes » déjà bourgeoisement obsolètes qui s’imaginent être indépendants. Seule la perspective de gauche a jusqu’à présent envisagé une émancipation sociale (mondiale) ‒ critique de la domination de la nature comprise ‒ ne voulant laisser personne sur le bord de la route, ce qui toutefois doit inclure une critique historique d’elle-même (notamment du marxisme traditionnel et du bloc de l’Est). Ce n’est que dans cette mesure que la structure et l’action seraient unies de manière contradictoire.

Jusqu’à présent (mi-décembre 2022), l’hiver de la colère[32] attendu est resté limité, peut-être grâce au vieux stratagème social-démocrate de l’apaisement, et au fait que l’on est prêt à sortir la corne d’abondance de la charité de l’État social jusqu’à un certain point — mais pas au-delà (avec, toutefois, l’énorme problème de l’endettement public croissant). Et, de toute façon, on ne peut pas en vouloir au petit Habeck[33], qui ne fait de compromis que contre ses convictions. Les arriérés de gaz et d’électricité ne doivent être payés que l’année prochaine, et les subventions de l’État ne devraient pas suffire, loin de là.

 

En outre, il est impossible d’ignorer que, chez les acteurs politiques qui évoluent dans le cadre de la normalité parlementaire, et notamment dans les débats sur le revenu de base et le droit de citoyenneté dans le traitement des réfugiés et dans les débats sur les aides sociales, des tendances bien connues ont refait surface des profondeurs des démocrates : pour la répression contre les personnes superflues et leur diffamation, associée à l’obligation de travailler et à la sélection des personnes utiles, émanations de la fétichisation du travail. Le ministre fédéral libéral de la Justice peut être considéré comme le sommet des bas-fonds, quand il déclare : « En matière d’immigration, la règle est que toutes les mains utiles sont les bienvenues sur le marché du travail. Mais personne ne peut seulement tendre la main au système social. Cela vaut également pour la citoyenneté » (Kölner Stadt-Anzeiger du 29.11.2022). Les réfugiés doivent payer le prix de la libéralisation de l’immigration : ils vont être expulsés plus rapidement. La ministre des Affaires étrangères Baerbock ne se soucie pas non plus des violations des droits humains. Elle peut parler de la naissance d’un enfant et de sa propre maternité de manière émouvante et attendrissante lorsqu’il s’agit d’évoquer la guerre de « Poutine » en Ukraine, tout en remettant les réfugié.es aux garde-côtes libyens sans le moindre état d’âme. Par ailleurs, la guerre d’Erdoğan contre les Kurdes n’intéresse personne non plus.

Le bourgeoisisme cru apparaît comme l’autre facette de la sensiblerie démocratique. Il fait partie intégrante de la normalité démocratique. Ce qui est supposé être « extrême » devient « normal ». Ses « formes de communication et d’action ouvertement brutales sont indissociables de la normalité de la vie sociale et politique » et « naissent de celle-ci ».[34]

Nous verrons bien ce qui se passera quand la crise empirera. Les confusionnistes et l’extrême-droite sont sans doute déjà dans les starting-blocks. Mais, même si les choses se passaient de façon un peu moins pire que prévu, nous ne serions certainement pas débarrassés de sitôt des tendances à la droite dure et au confusionnisme ; au contraire, elles devraient encore se développer fortement à l’avenir, portées par la normalité démocratique.

Dans cette situation, une critique sociale émancipatrice telle que la critique de la valeur-dissociation est indispensable. C’est pourquoi nous faisons appel aux dons afin de pouvoir continuer à affronter les évolutions décrites. Ceci est d’autant plus vrai qu’une perspective confusionniste se répand dans notre milieu même, et que nous allons peut-être être contraints de poursuivre notre objectif émancipateur avec un effectif plus réduit. Plus une conception personnalisante du capital incluant un antisémitisme structurel se répand, plus le « bourgeoisisme cru » devient la normalité démocratique, et plus une critique du fétichisme doit s’y opposer, surtout si elle paraît actuellement marginalisée. En plus des protestations contre les affronts du patriarcat capitaliste (coûts de l’énergie, bellicisme — sans pour autant minimiser le rôle du régime russe), des efforts théoriques sont primordiaux pour pouvoir les classer, leur donner une direction et ainsi — ceterum censeo — ne pas les laisser dériver vers la barbarie !

Ce numéro d’Exit ! débute par un texte de Robert Kurz publié en 1994[35] : « Fétiche travail — Le marxisme et la logique de la modernisation ». Dans ce texte, Kurz explique qu’avec la fin de l’Union soviétique, le marxisme qui existait jusque-là atteint sa fin historique. Pour le marxisme en tant qu’idéologie de la modernisation, la catégorie réelle moderne du travail patriarcal était (tout comme pour le libéralisme et le fascisme) centrale. À la différence d’une critique catégorielle du capitalisme, qui conçoit le travail, la dissociation, la valeur, etc., comme des catégories historiques, et rend ainsi concevables leur dépassement et leur abolition en ne positivant pas leur imposition ou leur régulation, et en ne les hallucinant pas comme déterminations ontologiques de l’humanité en général, le marxisme a formulé une critique du capitalisme du point de vue même du travail. Face à la crise mondiale du capital, le marxisme classique du mouvement ouvrier qui croit avoir identifié l’essentiel avec sa « lutte des classes » et l’« expropriation de la propriété privée », ne saisit plus la gravité de la réalité de la crise. Avec la fin de la société du travail, le point de vue du travail ne peut devenir que réactionnaire, comme Kurz le montre clairement.

Moishe Postone est un classique de la critique de la valeur et l’un des pivots incontournables de la critique de la valeur-dissociation. En particulier, ses réflexions dans l’essai « National-socialisme et antisémitisme », largement salué par de nombreux cercles de gauche, restent d’actualité face à la crise mondiale du capital (comme le montrent le populisme de droite rampant, le délire complotiste, et autres). Dans le texte « Der Wert und die ‘‘Anderen’’ – wert-abspaltungs-kritische Korrekturen an der Theorie Moishe Postones [La valeur et les ‘‘autres’’ – corrections au sens de la critique de la valeur-dissociation, de la théorie de Moishe Postone] », Roswitha Scholz expose les problèmes de la théorie de Postone, résultant de l’absence d’une théorie de la crise, ainsi que du fait qu’elle reste dans une perspective androcentrique qui prévaut dans la plupart des courants de la critique de la valeur. Scholz montre que le problème du fétichisme, tel qu’il est développé par Postone, doit être transformé en une nouvelle qualité, nécessaire pour pouvoir rendre compte de la totalité brisée du rapport valeur-dissociation.

La montée de l’inflation dans le monde est expliquée de manière simplifiée comme étant la conséquence des politiques contracycliques[36] et de l’interventionnisme étatique dans le cadre des mesures d’urgence prises pour endiguer la pandémie de la Covid-19, aggravées par la guerre en Ukraine. Parallèlement, depuis l’apparition de la Covid-19, les épidémiologistes de la gestion de crise et les tenants de la paranoïa conspirationniste sinophobe s’affrontent, mais sans reconnaître les déterminations profondes à l’origine de cette pandémie dans la crise du capital, y compris les formes de racisme et de patriarcat qui s’y approfondissent. Dès le début de la pandémie, Rob Wallace, tantôt qualifié de libéral, tantôt même de critique de la « micro-biopolitique », a pu constater la fausse contradiction entre, d’une part, une critique obscurantiste et réductrice de la science moderne — qui voit dans la pandémie une domination technoscientifique consciente des « Big Pharma » ainsi que des États sur les corps — et, d’autre part, une technocratie épidémiologique qui s’efforce de rendre les Chinois et leurs habitudes alimentaires dites « primitives » responsables de l’apparition du SRAS-CoV-2, en envisageant la possibilité d’un nouvel élan de modernisation des systèmes alimentaires en Asie, considérés comme barbares. Dans leur essai intitulé « La pandémie dans la crise fondamentale du capital : Inflation globale, éclatement de la récente bulle financière mondiale et désintégration sociale dans la spécificité du Brésil sous le gouvernement de Bolsonaro », Fábio Pitta & Allan Silva partent donc de la critique de l’antinomie État-marché et de la critique de la valeur-dissociation pour situer l’émergence de la pandémie du Covid-19 au sein de la double dynamique du processus historique d’effondrement de la modernisation, à savoir comme produit de la destruction de la nature impulsée par les poussées de modernisation déterminées par la crise de la reproduction fictionnalisée du capital global. Celle-ci, au moment de l’inflation des titres de propriété, avec son économie de bulle financière, est finalement transférée comme capital réel fictif vers la production de marchandises, et accélère la butée sur les limites internes et externes de la forme sociale capitaliste. Les formes sacrificielles de gestion de la crise sanitaire et économique au Brésil sont liées à cette dynamique, dans leur médiation avec les « idéologies de crise » du nouvel extrémisme de droite, entendu ici comme « pseudo-rébellion immanente » (Robert Kurz). En conclusion, le récent processus inflationniste est expliqué comme la manifestation d’une autre bulle financière mondiale sur le point d’éclater, qui entraîne la désintégration sociale en même temps que l’ensauvagement du patriarcat, le racisme et la précarisation du travail.

Dans son texte intitulé « Zerrissen zwischen Ost und West – Kurzer historischer Überblick über den Weg in den Ukraine-Krieg vor dem Hintergrund der Weltkrise des Kapitals [Déchirés entre l’Est et l’Ouest - Bref aperçu historique du chemin vers la guerre en Ukraine sur fond de crise mondiale du capital] », Tomasz Konicz s’efforce de retracer la genèse de la guerre d’Ukraine comme moment du processus de crise globale. En commençant par une brève esquisse de l’échec du « socialisme réellement existant » étatico-capitaliste, mis en relation avec la période de stagflation des années 1970 et les crises de la dette des années 1980, il s’agit de présenter la transition catastrophique du système ukrainien comme un exemple particulièrement flagrant des effondrements socio-économiques dans l’espace post-soviétique, et de montrer comment l’Ukraine ne s’est jamais remise de ce choc de transition qui a largement détruit la base industrielle pourrie et capitaliste d’État de type soviétique, sans créer d’alternatives compétitives dans la semi-périphérie décrochée.

L’Ukraine est analysée comme une économie à peine viable qui, à l’instar de nombreux États post-soviétiques dénués de ressources exportables, ne peut plus, en raison du niveau de productivité global, maintenir un processus de valorisation suffisamment large pour garantir la stabilité étatique et politique. L’État ukrainien « faible », la formation d’une oligarchie issue de la nomenklatura et l’instabilité politique de ce pays appauvri et secoué par des crises fréquentes et particulièrement fortes, sont considérés comme des conséquences de cette barrière interne du capital qui se manifeste de plus en plus clairement à l’échelle mondiale — d’autant plus que l’Ukraine a également été intégrée dans les circuits de déficit et les bulles d’endettement régionaux correspondants, comme on le verra.

Cette instabilité interne, qui n’a pas conduit à la formation d’un régime autoritaire comme en Russie, mais a pris la forme d’un régime oligarchique marqué par des luttes de factions permanentes, a offert — outre les contraintes concrètes de la crise systémique — les leviers politiques pour les interventions extérieures que l’Occident et la Russie ont menées avec une intensité croissante depuis la Révolution orange jusqu’à la guerre d’agression de Poutine. L’escalade qui s’en est suivie et qui a mené à la guerre résulte de la tentative des deux camps géopolitiques, l’Ouest et l’Est, de soustraire de toutes leurs forces ce pays frontalier à l’emprise de leur adversaire.

Dans le processus de crise, la guerre se déplace également de la périphérie vers les centres capitalistes. Associées aux autres points chauds de la crise, la guerre en Ukraine et les réactions occidentales ont le potentiel de dégénérer en un incendie mondial. Dans son texte « Weltvernichtung als Selbstvernichtung - Was im Anschluss an Walter Benjamin ‘zu denken’ gibt » [La destruction du monde comme autodestruction - Ce qui fait réfléchir à la suite de Walter Benjamin], Herbert Böttcher s’appuie sur les analyses de Robert Kurz dans « Weltordnungskrieg » [La guerre pour l’ordre mondial]. Celui-ci y avait mis les processus de désintégration et les guerres qui les accompagnent en relation avec la vacuité de la forme capitaliste de production et de reproduction, qui tend vers la destruction du monde et de soi. En s’appuyant sur la compréhension benjaminienne de l’histoire, selon laquelle le passé et le présent entrent dans une nouvelle constellation face aux catastrophes en tant que « moment de danger », Böttcher jette un regard sur la crise mondiale qui s’intensifie dangereusement vers l’anéantissement du monde et de soi. Benjamin, dans son exploration — que l’on peut par ailleurs critiquer comme réductrice — de la question de la totalité en tant que contexte de crise et de fétiche, peut devenir un point de référence utile pour la critique de la valeur-dissociation. Face aux dangers, la lecture de Benjamin peut amener à ce que la rupture avec les rapports fétichistes dominants soit reconnue comme une condition indispensable pour une perspective de salut.

Le texte de Thomas Meyer « Alternative zum Kapitalismus – Im Check: Wirtschaftsdemokratie und Arbeiterselbstverwaltung [En question - Alternative au capitalisme : démocratie économique et autogestion ouvrière] traite d’une autre thématique discutée par de nombreux acteurs de gauche (aux côtés des « communs », de la décroissance, de l’économie du bien commun, etc.), promettant un dépassement du capitalisme (ou du moins un recul, ou apprivoisement « par étapes » de ses contraintes). Ces deux « concepts » représentent pour eux une opposition viable au capitalisme (néolibéral) et à ses ravages fatals. Dans sa confrontation avec ces alternatives présumées au capitalisme, Meyer reprend la critique marxiste de la démocratie (principalement celle de l’austromarxiste Max Adler), la critique de la démocratie économique (entre autres celle de August Thalheimer) ainsi que la critique de l’autogestion ouvrière en Yougoslavie par des philosophes de la pratique oubliés depuis longtemps (comme Svetozar Stojanović et Michailo Marković), afin de démontrer que la démocratie économique a déjà fait l’objet de critiques cinglantes dans le passé, en sorte que ces prétentions à « repenser » la démocratie économique ne vont malheureusement pas au-delà de ce qui a déjà été fait. Il montre également que l’autogestion des travailleurs/euses ne peut en aucun cas être considérée comme une « transition sociale au-delà du capitalisme » (Richard D. Wolff). La démocratie économique et l’autogestion ouvrière aboutissent à une démocratisation et à une exécution « autodéterminée » de la contrainte capitaliste et non à son abolition. Par-delà la critique marxiste traditionnelle de la démocratie (qui évoque des points pertinents mais se maintient dans le cadre de la lutte des classes prolétarienne), il est souligné que la reconnaissance et la participation démocratiques des individus présupposent leur soumission à la contrainte de valorisation capitaliste ainsi que leur aptitude à être valorisés. Ce potentiel de valorisation, et ainsi le fondement même de la démocratie (qui, rappelons-le, est capitaliste), est en train de disparaître, ce qui signifie qu’une codécision démocratique des tâches économiques et l’autogestion des travailleurs/euses de « leurs » entreprises deviendront de plus en plus inutiles, et n’amèneront finalement pas à grand-chose de plus qu’à une participation à la faillite et à la misère. Ce qui est critiqué dans ces discours, c’est le fait qu’ils restent dans le moule capitaliste, et que ces concepts sont liés à une valorisation réussie de la valeur, et donc à une affirmation « autodéterminée » au sein de la concurrence — ce qui pourtant est parfois reconnu (mais rapidement « oublié ») par les discours sur la démocratie économique — sans que s’y développe, naturellement, de critique systématique.

Comme d’habitude, il faut encore signaler quelques publications : En français, les éditions Crise & Critique (Albi) ont publié : Robert Kurz : Gris est l’arbre de la vie, verte est la théorie ainsi que L’État n’est pas le sauveur suprême - Thèses pour une théorie critique de l’État. En italien chez Meltemi (Milan) : Il capitale mondo - Globalizzazione e limiti interni del moderno sistema produttore di merce [Le capital mondial - Mondialisation et limites internes du système moderne de production de marchandises].

De Moishe Postone est paru en portugais chez Consequência (Rio de Janeiro) : Antissemitismo et Nacional-Socialismo - Escritos sobre a questão judaica [Antisémitisme et National-socialisme], et en français, une édition en trois volumes de ses œuvres sera publiée par Crise et Critique. Le premier volume est déjà paru sous le titre Marx-par-delà le marxisme. Repenser une théorie critique du capitalisme au XXIe siècle (tome 2 prévu pour fin 2024).

 

En outre, un livre électronique sur l’histoire de la modernisation du Brésil a été publié par Edufes (Vitória/Espírito Santo) : « Os sentidos da modernização : ensaios críticos sobre formação nacional e crise » [Le sens de la modernisation : essais critiques sur la constitution nationale et la crise] (edufes.ufes.br/). Les auteurs font partie du groupe critique de la valeur-dissociation lié à l’Université de São Paulo. Ils présentent leurs recherches dans différents essais qui abordent aussi bien la question de la constitution du travail abstrait, du patriarcat et du racisme dans l’histoire brésilienne que les crises des catégories capitalistes après la modernisation de rattrapage des années 1970.

À propos de la guerre en Ukraine et de sa « préhistoire », Consequência a publié le livre Ucrânia « O grande jogo - A luta pelo poder entre o Leste e o Ocidente na crise global [Ukraine - Le grand jeu - La lutte pour le pouvoir entre l’Est et l’Ouest dans la crise globale]. Le livre réunit 20 textes de Tomasz Konicz publiés entre 2014 et les premiers mois de la guerre.

Dans son livre Auf dem Weg zur unternehmerischen Kirche [Sur le chemin de l’église entrepreneuriale] (Echter-Verlag, Würzburg) (le livre est une version augmentée du texte du même nom publié dans Exit ! Nr. 17), Herbert Böttcher évoque la transformation de l’Église en une « Église entrepreneuriale ». La « raison » de ce « renouveau » est la perte croissante de l’importance de l’Église — et ce, au milieu de crises sociales — qui s’accompagne d’une perte massive de fidèles. Les réformes qui en découlent cherchent à se conformer aux concepts de l’économie d’entreprise, à s’adapter aux conditions du capitalisme. Elles veulent être « à la hauteur de l’époque », plus précisément à la hauteur de la société capitaliste qui s’effondre. Böttcher se penche d’une part sur les concepts qui ouvrent la voie à une « Église entrepreneuriale » et d’autre part sur les processus de renouvellement synodal, dans lesquels l’Église cherche à se renouveler en interne en passant outre les crises sociales et leurs victimes. Le renouvellement devient ainsi une optimisation de l’adaptation aux conditions sociales.

Dans son livre Die ‘Himmelfahrt des Geldes’ in den Prinzipienhimmel - Zur Finanzialisierung des Kapitalismus und den Grenzen christlicher Sozialethik [« L’ascension de l’argent » au paradis des principes - La financiarisation du capitalisme et les limites de l’éthique sociale chrétienne] (AJZ-Verlag, Bielefeld), Dominic Kloos se penche sur les modèles d’argumentation de la doctrine sociale catholique. En prenant l’exemple de la prise de position du Vatican sur le rôle des marchés financiers, Oeconomicae et pecuniariae quaestiones (Questions d’économie et d’argent), il montre clairement comment des jugements moraux et des positionnements politiques sont déduits du « ciel des principes » de la doctrine sociale, sans que soient examinés de manière critique les rapports sociaux dans lesquels s’inscrivent les marchés financiers. La multiplication de l’argent par les transactions sur les marchés financiers est une réaction à la crise de l’accumulation dans l’économie réelle. Celle-ci trouve à son tour sa cause centrale dans le remplacement du travail créateur de survaleur par la technologie. Cette barrière interne et insurmontable du capitalisme ne peut pas être compensée à long terme par l’apport d’« argent sans valeur » (Kurz) et a des conséquences désastreuses. Tout cela devrait être l’objet des réflexions. Mais il est plus facile de s’accrocher à des accusations, des condamnations et des exigences morales vis-à-vis des acteurs. Or, de cette manière, il ne peut y avoir de retour en arrière par rapport aux voies menant à la catastrophe, dans laquelle le capitalisme et sa crise nous entraînent.

El capitalismo de hoy, la incertidumbre de mañana [Le capitalisme d’aujourd’hui - l’incertitude de demain] (Pepitas de Calabaza, Logroño) de Clara Navarro Ruiz présente de manière introductive des notions de base pour développer une compréhension critique du capitalisme contemporain. Le livre s’adresse à un large public et cherche à lui montrer que, contrairement à ce que disent ses apologistes, le système capitaliste a actuellement de sérieux problèmes pour se reproduire. Même si l’analyse ne s’appuie que partiellement sur les thèses de la critique de la valeur-dissociation, le livre montre nettement que le capitalisme contemporain repose sur des supports chancelants. Ceux-ci sont des signes évidents que le capitalisme se trouve dans un déclin inéluctable et inévitable.

Le texte commence par une brève esquisse des concepts de base de la logique interne du capitalisme (valeur, valeur d’échange, travail abstrait) et explique en quoi le capitalisme est aujourd’hui en déclin. Pour ce faire, le texte aborde certains aspects des thèses de Kurz sur l’effondrement du capitalisme. L’analyse se consacre ensuite aux phénomènes de la mondialisation et du « capitalisme de plateforme » et montre dans quelle mesure ces deux phénomènes sont les signaux d’une crise fondamentale. Le livre se termine par un chapitre sur les effets du capitalisme sur le rapport à la nature, dans les rapports de genre et de « race ».

Le livre Der Dialog - Ein Gespräch über Sinn und Unsinn der politischen Ökonomie [Sens et non-sens de l’économie politique - Un dialogue] de Knut Hüller & Klaus Müller paraît aux éditions Mangroven (Kassel) et documente le débat entre les deux auteurs, qui a pris son point de départ dans l’essai de critique de Hüller du livre de Müller Auf Abwegen - Von der Kunst der Ökonomen sich selbst zu täuschen [Sur la mauvaise voie - L’art des économistes de se tromper eux-mêmes] (Cologne 2019) (la critique et certaines des contributions au débat sont publiées sur exit-online.org).

Il convient également de mentionner le site exitinenglish.wordpress.com, sur lequel apparaissent des traductions en anglais.

Johanna Berger a rejoint la rédaction.

Roswitha Scholz pour la rédaction d’Exit ! en décembre 2022.

 

 

[1] Les réformes Hartz sont les réformes du marché du travail qui ont eu lieu en Allemagne, entre 2003 et 2005, sous le mandat du chancelier Gerhard Schröder (SPD). L’inspirateur de ces réformes, Peter Hartz, était le directeur du personnel de Volkswagen, où il négocia des accords sur la flexibilité des horaires. [...] Officiellement, ces réformes controversées visaient à adapter le droit (du travail, fiscal) allemand à la nouvelle donne économique dans le secteur des services. Elles ont été mises en place progressivement, sous la forme de quatre lois, mais la plus importante est la loi Hartz IV. Celle-ci fusionne les aides sociales et les indemnités des chômeurs sans emploi depuis plus d’un an en une allocation forfaitaire unique. Le faible montant de cette enveloppe ‒ 409 euros par mois en 2017 pour une personne seule ‒ est censé motiver l’allocataire à trouver au plus vite un emploi, aussi mal rémunéré et peu conforme à ses attentes ou à ses compétences soit-il. Son attribution est conditionnée à un régime de contrôle parmi les plus coercitifs d’Europe (wikipédia, extrait de la page : https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9formes_Hartz).

[2] L’« antisémitisme structurel » reproduit  - consciemment ou non - les structures de l’antisémitisme sans pour autant nommer ou même viser les Juifs. Il représente une caractéristique essentielle de l’anticapitalisme tronqué qui confond le rapport fétichiste du « sujet automate » et de la dissociation avec la volonté intéressée de ceux d’en haut : capitalistes, banquiers et politiciens. (NdT)

[3] Le PDS, héritier du SED, le parti du régime est-allemand, et le WASG, d’obédience social-démocrate, ont fusionné en 2004 pour fonder le parti Die Linke. (NdT)

[5] AfD : Alternative für Deutschland, parti d’extrême droite. (NdT)

[6] Pegida, Patriotische Europäer gegen die Islamisierung des Abendlandes [Européens patriotiques contre l’islamisation de l’Occident], mouvement citoyen d’extrême droite

[7] La Rust Belt (ceinture de rouille), est le surnom d’une région industrielle du nord-est des États-Unis. Jusque dans la crise des années1970 elle est nommée la Manufacturing Belt (ceinture des usines).

[8] Voir Scholz, Roswitha : Die Metamorphosen des teutonischen Yuppie (Les métamorphoses du yuppie teuton), 1995, sur exit-online.org.

[9] « Querdenken » [pensée de travers] est un mouvement allemand apparu au printemps 2020 pour protester contre les mesures anti-covid, marqué fortement par le complotisme et le confusionnisme, l’antisémitisme et la minimisation de la Shoah. Son nom fait penser à Querfront, tentative de créer des alliances entre groupes d’extrême-droite et de gauche pendant la république de Weimar. Le terme de « Querdenken » désigne par extension toute opposition mêlant des idées d’(extrême-)droite et de gauche. Nous avons donc opté pour traduire ce terme par confusionnisme, car il désigne dans ce texte des tendances plus larges que le seul mouvement allemand.

[10] Voir Böttcher, Herbert : Du musst »Gesundheitsdiktatur« sagen! Wer ist der beste im Regredieren? [Tu dois dire « dictature sanitaire » ! Qui est le meilleur en matière de régression ?], 2022, sur exit-online.org.

[11]Jappe, Anselm: Haben Sie Gesundheitsdiktatur gesagt? [Vous avez dit dictature sanitaire?], 2022, sur wertkritik.org.

[12]Voir Urban, Andreas : Ein Gespenst geht um in der Wertkritik - Anmerkungen zur wert(abspaltungs)kritischen Corona-"Debatte" [Un spectre hante la critique de la valeur - Remarques sur le « débat » sur la Covid à l’intérieur de la critique de la valeur (dissociation)], 2022, sur wertkritik.org.

[13] Kurz, Robert : Lire Marx !, Paris, Les balustres, 2016.

[14] Ibid., p. 42.

[15]Voir le commentaire de Herbert Böttcher et de la rédaction sur le débat sur la pandémie de la Covid au sein d’exit ! [en allemand], sur exit-online.org

[16] Kurz, Robert : Geld ohne Wert [Argent sans valeur], Berlin 2012, 178.

[17] Urban, Andreas : Propaganda und der geopolitische Abstieg des Westens [La propagande et le déclin géopolitique de l’Occident], 2022, sur wertkritik.org.

[18] Urban, Andreas : Ein Gespenst geht um in der Wertkritik [Un spectre hante la critique de la valeur], 2022, sur wertkritik.org.

[19]Nous voulions garder cette expression allemande, voulant dire à peu près : « C’est prendre ou à laisser » (NdT).

[20] Revue éditée à Vienne (Autriche), se revendiquant de la critique de la valeur (NdT).

[21]Dans : Birkner, Martin (éd.) : Emanzipatorische Wissenschaftskritik [Critique émancipatrice des sciences], Berlin 2022,18-31.

[22]Voir Kloos, Dominic: Die Himmelfahrt des Geldes in den Prinzipienhimmel (L’ascension de l’argent au ciel des principes), Bielefeld 2022, ainsi que diverses publications en ligne: https://www.oekumenisches-netz.de/veroeffentlichungen/netztelegramm/.

[23]Jappe, Anselm: Schluss mit Putins Gas?, 2022, sur wertkritik.org. En français: Stop au gaz russe?, http://www.palim-psao.fr/2022/03/stop-au-gaz-russe-par-anselm-jappe.html

[24] Référence au texte de Robert Kurz, Quand la démocratie dévore ses enfants. Remarques sur les fascismes historiques et le nouvel extrémisme de droite, Albi, Crise & Critique, 2024 (1993).

[25] Robert Kurz, Quand la démocratie dévore ses enfants, op. cit.

[26]Urban, Andreas; Uhnrast, F. Alexander von: Corona als Krisensymptom [Le corona comme symptôme de la crise, partie 2, 2022 : sur wertkritik.org. La citation d’Illich : in Némésis médicale, https://www.akklesia.eu/public/pdf_gratuit/_Nemesis_ILLICH.pdf

[27] Urban, Andreas: Ukraine – Krieg, Propaganda und der geopolitische Abstieg des Westens [Guerre en Ukraine, propagande et chute géopolitique de l’Occident], 2022, sur wertkritik.org.

[28] Voir à ce sujet la prise de position sur le site d’exit! (en allemand): https://exit-online.org/textanz1.php?tabelle=aktuelles&index=34&posnr=814.

[29] Urban, Andreas : Der autoritäre Konformismus der akademischen Jugend [Le conformisme autoritaire de la jeunesse académique], 2022, sur streifzuege.org.

[30] Urban, Andreas : Corona von links [Corona de gauche], 2022, sur wertkritik.org.

[31] Le concernement [Betroffenheit] est un concept remontant à la féministe allemande Maria Mies et inclut le « parti pris ». A travers les concepts de « positionnement » et de « savoir situé » on conclut souvent que seul.es les concerné.es peuvent/doivent parler d’une problématique. (NdT)

[32]Le « Wutwinter » (l’hiver de la colère) était une formule dans les médias et la politique allemande qui craignaient, à la fin de l’année 2022, une vague de protestations déclenchée par l’augmentation des prix de l’énergie, l’inflation et la peur de la guerre. (NdT)

[33]Ministre allemand de l’économie et de la, protection de l’environnement (membre du parti des Verts).

[34]Heitmeyer, Wilhelm : Autoritäre Versuchungen [tentations autoritaires], Berlin 2018, 279.

[35]Première publication in : Fleischer, Helmut (DP.) : Der Marxismus in seinem Zeitalter [Le marxisme dans son époque], Leipzig 1994, p.162–184.

[36]« Politique économique dont la finalité est d’empêcher les fluctuations d’activité économique dans l’ensemble de l’économie nationale, ou d’en réduire l’ampleur. » (https://www.alternatives-economiques.fr/dictionnaire/definition/97682)

Tag(s) : #Chroniques de la crise au quotidien
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