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robert-kurzCe texte est paru dans « Neues Deutschland » du 19 septembre 2011. Robert Kurz est un des principaux contributeurs à la mouvance de la critique de la valeur en Allemagne. En France les éditions Lignes viennent de sortir un recueil de traductions de textes de Robert Kurz, « Vies et mort du capitalisme. Chroniques de la crise ». Dans cet ouvrage le courant allemand présente sa compréhension profonde de la crise de la forme de vie capitaliste, qui est bien plus qu'une simple crise financière ou une crise des dettes des Etats : une crise profonde de la valorisation. Robert Kurz sera présent à Lille le vendredi 25 novembre dans le cadre des rencontres Cité-Philo pour présenter son ouvrage. Merci à Heike Heinzmann et Sînziana pour cette traduction.    

 


 

 

 

Les crises passent, mais le capitalisme demeure. Tel est du moins le crédo inébranlable des théoriciens, qu’ils soient libéraux ou de gauche. Comment surmonte-t-on une crise économique majeure ? Par la dévalorisation du capital excédentaire sous toutes ses formes (moyens de production, force de travail, marchandises, capital monétaire). Après quoi, tout peut en principe toujours recommencer. Les professeurs d’économie de tendance libérale appellent cela un « ajustement » ; la gauche universitaire, une « purge ». Depuis l’automne 2009, tous s’accordent sur un point : le dernier épisode de crise économique mondiale aurait déjà pris fin. Mais nous n’avons pas vu se produire cette forte dévalorisation ou purge. Au lieu de cela, les dirigeants se sont évertués à « sauver » coûte que coûte le système. Si l’on suit les analyses des théoriciens de l’économie, de droite comme de gauche, il faut en conclure que le véritable choc de dévalorisation est encore à venir.

Et si c’était non pas les théoriciens mais les pragmatiques qui avaient raison, estimant qu’après la grande correction des marchés mondiaux, le paysage économique ressemblerait à une terre brûlée ? Certes, leurs mesures de sauvetage ne font que repousser le problème fondamental et le laisser prendre des proportions de plus en plus démesurées. Depuis plus de vingt ans, l’économie mondiale vit ainsi essentiellement d’une sorte de dopage financier. Cette fonction – concrètement, créer un pouvoir d’achat dépourvu de toute base réelle – a été assurée pendant longtemps par les bulles financières ; puis, à partir du tournant du siècle, les banques centrales et les budgets nationaux ont pris le relais. Pour ce qui est de la mobilisation de la force de travail en Chine, en Inde et en Europe, il y a beau temps qu’elle ne reposait plus que sur des logiques déficitaires à sens unique. S’avérant au bout du compte « invalides », les procès de production soutenus de cette manière sont, par là même, condamnés à la dévalorisation de toutes leurs composantes. Ainsi, quoique les théoriciens aient finalement vu juste, il n’en ressort cependant pas la moindre perspective nouvelle.

A ce stade, on peut sans conteste parler d’une paralysie aussi bien de la théorie que de la praxis en politique économique et monétaire. En témoignent, au demeurant, les violentes controverses qui agitent à la fois le milieu des économistes et les cercles gouvernementaux. Les néolibéraux purs et durs, tels Jürgen Stark qui vient de démissionner de son poste d’économiste en chef de la BCE, n’auraient rien contre une issue brutale à la crise, dans la mesure où ils ont foi davantage en leur modèle idéologique qu’en la réalité. Les pragmatiques, de leur côté, veulent continuer à doper l’économie en creusant les déficits budgétaires, quand bien même cela revient à accroître sans cesse le stock de dynamite qui explosera lors de l’inévitable dévalorisation. Partout où les programmes publics de relance sont en train de s’épuiser faute d’argent, nous voyons aujourd’hui les taux de croissance s’effondrer à toute allure – exactement comme un sportif dopé s’essouffle dès qu’il est privé de sa drogue. La prochaine récession mondiale est imminente. Aux Etats-Unis, le président Obama parle déjà de mettre en œuvre un méga-plan de relance, mais où prendra-t-il l’argent pour le financer ?

On pourrait formuler autrement l’insoluble dilemme capitaliste. Aussi longtemps que d’incessantes injections d’argent fictif soutiennent artificiellement un système financier au bout du rouleau, la crise reste en suspens. En revanche, sitôt que cette création monétaire sans substance répond à un vrai besoin, elle déclenche une dévalorisation de l’argent que seul jusqu’à présent le caractère transitoire du krach de 2009 a permis de limiter. Cette inflation galopante que les pays émergents réfrènent difficilement, frappe désormais aussi aux portes de l’Europe, en particulier au Royaume-Uni, où elle a d’ores et déjà frôlé les 4,5%. La BCE et les gouvernements Sarkozy et Merkel semblent s’être résignés, à l’instar des Britanniques, à accepter l’inflation comme un moindre mal. Cela conduit, tant en politique qu’en économie, à des choix cornéliens. En réalité, il s'agit d'un problème qui devrait remettre en cause le capitalisme lui-même en tant que système de société, mais personne ne veut l’admettre.

Traduction de l’allemand : Heike Heinzmann & Sînziana

Original :

http://www.neues-deutschland.de/artikel/207082.oekonomisches-doping.html

 

Kurz vies et mort du capitalisme

 

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kurz weltkapital gr

 

 

Tag(s) : #Chroniques de la crise au quotidien
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