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_Libye_Syrte-_Image_Globe_m.jpgCi-dessous, un texte de Gerd Bedszent (mai 2012), sur la révolution politique libyenne et la chute de Kadhafi en 2011-2012. A rebrousse-poil des analyses superficielles et du pathos démocratique libéral qui circule en boucle, « le soulèvement anti-kadhafiste fait remarquer l'auteur, résulta [...] en réalité d’un amalgame entre contestation sociale, révolte tribale régionale et coup de main d’une certaine classe de hauts fonctionnaires d’obédience néolibérale. En aucun cas il ne s’agissait, comme on l’a affirmé en Occident, d’un  " réveil démocratique " ».  L'arrière plan théorique de ce texte qui reste sur la description factuelle de la situation historique, sociale, économique et politique de la Libye, est toutefois le concept de  « modernisation de rattrapage » et de son échec, concept développé dès les années 1990 par Robert Kurz. Bedszent évoque ainsi les tentatives dites « socialistes » de constituer un Etat qui puisse jouer le rôle de « capitaliste collectif en idée », afin de moderniser le pays en installant autoritairement et par le haut les formes de la vie sociale capitaliste, et ainsi, « rattraper le retard » sur les centres capitalistes du Nord. C'est là une des faces de la politique dans sa forme moderne : mettre en forme le social afin d'inscrire la vie des gens dans des rapports sociaux médiatisés par le travail qui constitueront le fétiche social qu'est le capital, et dont le mouvement corsetera en retour la société. L'échec dans les années 1990 de cette politique du capitalisme d'Etat (comme dans tous les pays du Tiers monde qui avaient basculé dans les idéologies marxistes de la « modernisation de rattrapage » - Algérie, Indonésie, Chine, etc.) et de son projet de « développement » endogène fondé sur l'industrialisation, laissa logiquement place au début des années 2000, aux politiques néolibérales inachevées de Kadhafi et à son rapprochement avec les centres capitalistes du Nord : une nouvelle restructuration du capitalisme autour du marché, mais qui fut elle aussi un échec. Un processus qui cristallisa la critique sociale non pas sur les rapports sociaux capitalistes et leur mise en forme, mais contre les clans du pouvoir qui en profitaient. La révolution ne devait s'arrêter qu'à l'étage d'une révolution politique, c'est-à-dire qu'elle devait tenter une « transition démocratique » dont les pays arabes ont été si longtemps privés. Aujourd'hui, si la révolution politique libyenne a mis fin aux derniers débris du « Guide » du capitalisme d'Etat, le nouveau boulevard ouvert pour la mise en forme néolibérale de la forme de vie sociale capitaliste (et les multinationales sont déjà là pour obtenir des contrats sur des ressources), pourrait déboucher sur tout autre chose que la « renaissance », la « libération » et la « modernisation » de la Libye, comme le pense la doxa démocratique occidentale. Il ne faut pas attendre que la situation économique s'améliore durablement après une révolution contre un boucher tel que Kadhafi, parce que celle-ci n'effleure en rien la structure des conditions sociales muettes qui déterminent le quotidien des individus et dans lesquelles ils restent plongés. C'est là une question qui touche toutes les sociétés capitaliste-marchandes. La logique qui met toute une partie de la population libyenne dans une situation de misère car étant considérée comme « non-rentable » est la même qui produit le chômage en France, saccage la nature, prive des paysans de leurs terres, contamine l'agriculture et l'alimentation, détruit les relations    sociales... La chute d'un dictateur ne peut être qu'un premier moment vers l'émancipation sociale. Et ce pour une raison bien précise : dans une société structurée par le fétiche-capital, on peut élire tous les jours ses représentants politiques, proclamer à grand renfort de fanfare toutes les valeurs et principes démocratiques qu'il convient, enchaîner toutes les rodomontades et les coups de menton pour signifier notre volonté politique infaillible de « changer enfin les choses », l'auto-détermination réelle et la maîtrise consciente et transparente de nos propres rapports sociaux, y sera toujours plus impossible. Sous les formes du travail, de l'argent et des marchandises, les résultats sociaux de nos propres activités sociales finiront toujours par être les présupposés fétichisés de ces dernières et se les soumettront comme autant de simples supports interchangeables et indifférents de leur mouvement automate. Les sujets y deviendront des objets, les objets y deviendront des sujets. Dans une société structurée par la valeur en mouvement, inconsciemment, les individus sociaux sont toujours à l’origine d’un processus dont le résultat conditionne et soumet réellement leur existence. Dans de telles conditions sociales mutilantes, l'émancipation sociale est toujours au-delà de la politique, de l'alternativisme et du démocratisme radical. C'est qu'il s'agit plutôt de frapper au coeur de la synthèse sociale capitaliste que nous constituons par nos milliards d'activités, au-delà de la constitution-fétiche des sociétés présentes par le travail, la valeur en mouvement, l'argent et l'Etat.

 

Bonne lecture,

Palim Psao

 

 

    C’en est fini de la Libye

Gerd Bedszent

 

logo-pdf.pngVoir le Fichier : Gerd_Bedszent_Cen_est_fini_de_la_Libye_2012.pdf

 

 

Du jour où plusieurs Etats membres de l’OTAN s’y sont immiscés en envoyant leur aviation, la guerre civile libyenne a redoublé d’intensité et basculé dans la guerre tout court. Et sans doute y avait-il – et y a-t-il toujours – de nombreuses bonnes raisons de s’opposer à cette guerre occidentale en Libye. Mais ces raisons ne doivent pas nous faire oublier que ce sont essentiellement des contradictions internes qui conduisirent au déclenchement de la guerre civile et donc, au bout du compte, à la chute du régime de Kadhafi.

Sociologiquement parlant, la Libye demeurait – avant le déclenchement de la guerre civile – l’un des Etats les plus arriérés du monde arabe. La société y est profondément marquée par une structure de clans prémoderne ; couverture bureaucratique, armée, services secrets et, last but not least, partage de la rente pétrolière ne furent pas de trop pour donner un semblant d’unité à cette mosaïque de tribus. Cela s’explique historiquement : la bande côtière (Cyrénaïque à l’est, Tripolitaine à l’ouest) vécut des siècles durant la vie des provinces retirées de l’Empire ottoman en déclin, tandis que, jusqu’à un passé relativement récent, les rivalités tribales déchiraient encore l’intérieur des terres. C’est à l’ère coloniale qu’on fixa les frontières actuelles de l’Etat libyen, lorsque l’occupation italienne rassembla sous sa domination des territoires jusqu’alors indépendants les uns des autres. Ni l’effroyable politique coloniale des fascistes ni ensuite le règne du très anglophile roi Idris ne contribuèrent le moins du monde au développement des zones isolées du pays ou à la construction d’un Etat-nation moderne.

S’il est un mérite incontestable de la révolution libyenne de 1969 et du règne de son « Guide » Mouammar al-Kadhafi, c’est bien d’avoir mis en branle, dans ces régions désertiques et arriérées, un processus de modernisation radicale. Grâce à une brutale nationalisation des cartels étrangers du pétrole et à l’explosion des cours du brut dans les années 1970, la Libye devint riche. Et, contrairement à ce que connurent la plupart des autres pays producteurs de pétrole, cette richesse ne se déversa justement pas droit dans les poches d’une élite corrompue, mais servit au contraire pour l’essentiel à édifier à la fois une infrastructure moderne et un Etat social tout à fait exemplaire dans le contexte africain. Etant donné que, pour porter ce processus, il n’existait rien qui ressemblât de près ou de loin à une bourgeoisie nationale, la modernisation de l’économie incomba à l’appareil bureaucratique sous le contrôle du Conseil de la révolution.

On ne parvint cependant pas à dépasser la structure tribale pour moderniser durablement la société ; l’Etat libyen demeura une construction politique instable, et son Guide révolutionnaire fut sans cesse obligé de louvoyer entre les intérêts des différentes tribus et régions. Dès le début des années 1970, chacun pouvait constater l’échec des efforts visant à fonder un parti unique, creuset d’une possible identité nationale ; à la place s’étaient imposés les « comités populaires ». Fonctionnant en apparence sur le principe de la démocratie directe, ceux-ci se livraient en fait, au même titre que les services d’un appareil d’Etat toujours plus tentaculaire, à d’incessantes luttes de pouvoir derrière lesquelles transparaissaient les intérêts inconciliables des divers clans. En outre, le règne de Kadhafi fut marqué par toute une série de tentatives de putsch, révoltes tribales et autres complots islamistes ou monarchistes que les « comités révolutionnaires » et des services secrets aux méthodes toujours plus répressives s’employèrent à briser brutalement.

Du point de vue économique également, la Libye demeura instable et tributaire de l’Europe occidentale pour ses exportations de pétrole. Et si l’on fit effectivement surgir comme par magie, grâce aux milliards du pétrole, toutes sortes de grands projets industriels et agricoles, ceux-ci fonctionnèrent le plus souvent à perte et sous perfusion de subventions étatiques. Aussi longtemps que la rente pétrolière afflua de façon régulière, ça ne posa aucun problème ; en revanche, avec l’effondrement des cours du brut dans les années 1990, le pays sombra dans une profonde crise financière.

Sans doute cette crise est-elle à l’origine du revirement politique que l’on peut observer chez Kadhafi aux alentours de l’année 2001. Tournant le dos à son soi-disant « socialisme » et à son anti-impérialisme militant, le Guide de la révolution entama alors une phase de coopération avec l’Occident sur le plan de la défense et des services secrets. Une restructuration néolibérale de l’économie fut mise en œuvre, qui vit l’Etat privatiser une partie des entreprises nationales et pousser vers une retraite prématurée ou vers le secteur privé plusieurs centaines de milliers d’employés. Quant à l’installation des travailleurs immigrés en provenance des pays voisins, indispensables à l’économie libyenne, elle fit l’objet d’une réglementation stricte. Du côté occidental, on ne tarda pas à abandonner les sanctions économiques et l’embargo sur les armes. L’économie libyenne vit affluer des milliards et la capitale Tripoli devint pour plusieurs années un Eldorado pour les capitaux occidentaux assoiffés de placements.

Loin de remédier aux problèmes structurels du pays, toutefois, cette ouverture politique et économique ne fit au contraire que les accentuer. Le déluge d’investissements ne généra pratiquement aucun emploi pour les Libyens : les multinationales occidentales préféraient apporter dans leurs bagages leurs propres spécialistes et, pour ce qui concerne les tâches non qualifiées, embaucher à moindre frais des travailleurs venus d’Egypte ou du Sahara central (ce qui fournit de nouveaux arguments à un racisme anti-Noirs de toute façon profondément ancré dans la société tribale libyenne). Le chômage des jeunes, surtout, grimpa en flèche jusqu’à atteindre 40 à 50%. Toute une génération arrivait à l’âge adulte, qui devait certes à un restant d’Etat social de ne pas mourir de faim, mais à laquelle ne s’ouvrait pas la moindre perspective. Et ce qui acheva d’exaspérer le mécontentement de la jeunesse, ce fut de voir les membres d’une certaine élite privilégiée – au premier rang desquels le clan Kadhafi donnait le « bon » exemple – constituer, depuis le début de la réorganisation économique, des fortunes éhontées aux dépens de l’Etat.

Au niveau des écarts entre régions non plus, la privatisation et l’ouverture de l’économie n’apportèrent pas la moindre amélioration. Le Conseil de la révolution, dès 1969, avait pris appui principalement sur les tribus fortement peuplées de Tripolitaine contre celles de Cyrénaïque, restées majoritairement fidèles au roi et à l’islam (quant aux tribus relativement clairsemées de l’intérieur des terres, elles ne jouèrent en réalité pratiquement aucun rôle). Cette politique économique favorisant la Tripolitaine devait trouver son prolongement, après 2001, dans le choix des multinationales occidentales de s’installer, avec leurs infrastructures de meilleure qualité, essentiellement autour de la capitale. A partir des années 1990, le mécontentement croissant parmi les tribus cyrénaïques se traduisit par la montée en puissance d’un islamisme clandestin.

Au vu de la contestation grandissante, une ligne de fracture se dessina au sein de la classe dominante libyenne. Tandis que certains éléments de l’appareil d’Etat se montraient fermement décidés à garder, sans se soucier des conséquences au plan social, le cap pro-occidental qui avait été adopté, d’autres hauts fonctionnaires, à l’inverse, s’efforçaient manifestement de contrecarrer le démantèlement annoncé de l’Etat. La politique contradictoire du pays ces dernières années pourrait ainsi s’expliquer. Si le régime, plus que jamais, réprimait à l’intérieur toute forme d’opposition politique, dans le même temps ses communiqués officiels célébraient l’ouverture de la Libye et son Guide prononçait, en 2006 et 2009, l’amnistie et la remise en liberté de nombreux islamistes emprisonnés.

Après avoir abandonné le nationalisme panarabe dans les années 1990, Kadhafi s’était tourné vers la coopération panafricaine avec ses voisins du sud. Mais sa rhétorique pro-africaine n’empêcha nullement les organes de sécurité libyens de s’employer, de manière toujours plus brutale, à refouler les migrants vers le sud. Au cours de la seule année 2006, 60.000 étrangers en situation irrégulière furent internés dans des camps sur le territoire libyen ; les ONG dénoncèrent des situations inhumaines et des cas de torture. Pour ne pas être en reste avec Berlusconi, alors au pouvoir, qui avait promis de verser enfin, après 60 ans, une réparation pour les crimes du colonialisme fasciste, la Libye accepta de collaborer avec l’Italie en matière de politique migratoire. Par suite, en 2004 et 2005, des milliers de réfugiés débarqués sur l’île italienne de Lampedusa furent reconduits vers la Libye. A partir de 2009, la marine italienne commença même à intercepter les embarcations des migrants en pleine mer pour les forcer à faire demi-tour. Un accord-cadre avec l’Union européenne préparé dès 2010 prévoyait la fermeture de la frontière sud libyenne, mais on ne put s’entendre sur les coûts à supporter par l’UE et l’accord ne vit finalement pas le jour.

La politique économique libyenne demeura semblablement contradictoire jusque dans les dernières années du régime de Kadhafi. Le Guide en personne coopéra étroitement avec la France, signant par exemple en 2007 avec le premier ministre de l’époque Nicolas Sarkozy un contrat prévoyant la construction en collaboration d’un réacteur nucléaire – projet qui, au demeurant, ne se concrétisa pas. En 2009, en revanche, la Libye brusqua ses partenaires occidentaux en nationalisant les biens d’une compagnie pétrolière canadienne. Après quoi, début 2010, Kadhafi assura à nouveau publiquement qu’il livrerait bien la totalité de l’économie libyenne aux investisseurs privés et irait par conséquent jusqu’au bout du démantèlement néolibéral de l’Etat social qu’il avait entrepris.

La chute du régime se produisit par morcellement. Lorsque la vague de jeunes contestataires déferlant sur l’Egypte et la Tunisie voisines atteignit à son tour la Libye, la police et les services secrets réagirent à leur manière habituelle. Les tribus cyrénaïques mécontentes du joug kadhafiste saisirent l’occasion pour déclencher une révolte armée contre le pouvoir central. Toutefois, dans le gouvernement de transition formé dans l’urgence, on fit une place à un certain nombre de cadres du régime ralliés à la rébellion, lesquels cherchèrent manifestement à en profiter pour éliminer quelques-uns de leurs rivaux dans l’appareil étatique et, dans la foulée, achever à marche forcée la complète privatisation de l’économie que le régime avait certes promise mais jamais menée à son terme. Le soulèvement anti-kadhafiste résulta donc en réalité d’un amalgame entre contestation sociale, révolte tribale régionale et coup de main d’une certaine classe de hauts fonctionnaires d’obédience néolibérale. En aucun cas il ne s’agissait, comme on l’a affirmé en Occident, d’un « réveil démocratique » : pour commencer, la plupart des protagonistes étaient tout ce qu’on voudra, sauf des démocrates.

Dès que l’Occident eut accordé son soutien au gouvernement provisoire installé à Benghazi, on put envisager la transition de pouvoir. Kadhafi, rendu de facto insolvable en raison du gel de ses avoirs bancaires à l’étranger, devenait à la longue incapable aussi bien de payer ses soldats que de les ravitailler en matériel militaire de fabrication étrangère. Le fait que les affrontements armés aient duré encore des mois et qu’il ait fallu, pour venir à bout des derniers bastions loyalistes, l’intervention massive de troupes étrangères, montre bien que le gouvernement de transition ne bénéficiait d’aucun ancrage sérieux en dehors de Cyrénaïque. En réalité, la plupart des tribus de l’ouest du pays ne laissèrent choir Kadhafi qu’au moment où les troupes du Conseil national de transition et leurs alliés occidentaux se trouvaient déjà dans les faubourgs de Tripoli.

Cette guerre civile coûta la vie à plusieurs dizaines de milliers de personnes ; on n’en connaîtra sans doute jamais le chiffre exact. Il est avéré que les vainqueurs ont massivement violé les droits de l’homme : meurtres, pillages, torture. Une partie des infrastructures bâties sous Kadhafi n’est plus que ruine, à commencer par les installations pour l’extraction et l’exportation du pétrole, qui ont subi d’énormes dégâts.

Transfigurer Kadhafi une fois mort en icône anti-impérialiste, comme divers représentants de la gauche s’y sont risqués dernièrement, c’est toutefois passer à côté de son véritable rôle. Certes, il est fort possible que le régime aujourd’hui mis en place poursuive une politique plus sinistre encore que la sienne. Et il est absolument hors de doute que les pays arabes voisins ont, eux aussi, conduit et continueront à conduire des politiques migratoires racistes. ça n’en efface pas pour autant les crimes commis au nom de Kadhafi. En dépit d’une politique ô combien trouble, celui-ci reste incontestablement auréolé du fait d’avoir été l’une des dernières figures des mouvements anti-impérialistes des années 1960. Néanmoins, le régime qu’il avait établi se trouva un beau jour passé de mode et, dès lors, se brisa sur les rapports de force réels et le diktat du marché global.

Tuer Kadhafi n’a pas le moins du monde mis fin à la guerre. Et il était tout à fait prévisible que les intérêts d’ordre régional des guerriers tribaux et des combattants islamistes clandestins auraient beaucoup de peine à concorder avec ceux des technocrates acquis au néolibéralisme. Les altercations au sein de cet ensemble hétérogène d’insurgés réunis par les circonstances éclatèrent alors même qu’on se battait encore pour les dernières cités. Non seulement certaines tribus traditionnellement hostiles les unes aux autres profitèrent de la guerre pour régler de vieux comptes, mais des criminels tuèrent et pillèrent de leur propre chef. Sans compter que, pour des motifs racistes, on « nettoya » les régions littorales de leurs migrants et de leurs minorités non-arabes, expulsant même les tribus touaregs naguère privilégiées par Kadhafi.

Les événements du 22 janvier dernier dans la ville est-libyenne de Benghazi constituèrent probablement un signe annonciateur de ce qui attend le pays : en marge d’une manifestation réclamant l’application de la charia, le système juridique islamique, plusieurs centaines d’hommes armés ont investi le siège du gouvernement provisoire afin de protester contre le système électoral qui venait d’être adopté. Début mars, ensuite, les tribus de Cyrénaïque ont affiché leur autonomie en choisissant pour chef de leur administration régionale un parent du roi déchu en 1969. De violents combats s’ensuivirent en Libye centrale entre les tribus arabes et l’ethnie touboue établie dans le sud du pays. A l’heure qu’il est, l’autorité du gouvernement provisoire doit être à peu près nulle.

Il est plus que probablement que ce pays déchiré connaisse à présent une guerre civile de longue haleine, la désintégration de ses structures étatiques et, pour finir, l’occupation par des troupes occidentales. En tout cas, c’est est fini de la tentative de modernisation libyenne.

 

Paru dans Die Brücke, revue politique et culturelle antiraciste, n°160, mai 2012

http://www.exit-online.org/textanz1.php?tabelle=aktuelles&index=0&posnr=558

Traduction de l’allemand : Sînziana

 

Tag(s) : #L'actualité au prisme de la critique de la valeur
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