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Revue Jaggernaut n°4

Tout brûle déja

Règne de la valeur & destruction du monde

Varia

Notes de lectures

Critiquer Raoul Vaneigem

Disponible en librairie (France, Suisse, Belgique) ou sur commande sur le site des éditions Crise & Critique (frais de port gratuits)

 16 euros - 400 pages

Distribution/diffusion : Makassar et Hobo-diffusion

La crise écologique et l’épuisement des ressources naturelles ne sont pas des aspects accessoires du mode de production capitaliste et ne peuvent pas être évités en établissant un capitalisme plus « sage », modéré, vert, durable ou circulaire. Il ne paraît pas possible aujourd’hui de comprendre la crise écologique, en tant qu’imbrication entre l’évolution technologique et le capitalisme, si l’on ne tient pas compte des contraintes pseudo-objectives qui dérivent de la valorisation de la valeur et qui poussent à consommer la matière concrète du monde pour satisfaire les exigences abstraites de la forme-marchande. Le mode capitaliste de (re)production est basé sur une forme sociale abstraite de richesse – la survaleur –, qui est intrinsèquement autotélique, illimitée et, en tant que telle, entraîne une forme de croissance économique débridée nuisible à la biosphère. L’incompatibilité du capital et de la protection du climat, qui se reflète au niveau systémique fondamental ainsi qu’au niveau politique et culturel, fait du dépassement du mode d’économie capitaliste destructeur une question de survie pour l’humanité au xxie siècle.

Résumés/Abstracts 
 
Table des matières 
 
Éditorial : Règne de la valeur & destruction du monde
Par Sandrine Aumercier, Benoît Bohy-Bunel et Clément Homs pour le comité de rédaction 
 
DOSSIER
La limite écologique du capitalisme
La forme-valeur et la destruction accélérée de la nature à la lumière
des analyses de Karl Marx et Moishe Postone                              
Nuno Miguel Cardoso Machado

Dans « La limite écologique du capitalisme. Forme-valeur et destruction accélérée de la nature », Nuno Machado, en s’appuyant sur les thèses de Karl Marx et de Moishe Postone, s’efforce de démontrer : 1) qu’au cœur de la synthèse macro-sociale moderne réside une inversion fétichiste entre le concret et l’abstrait. La force de travail des hommes comme le monde sensible, matériel et culturel, sont réduits au statut d’intrants qui doivent être consommés à des fins productives, digérés et rejetés afin de nourrir le processus continu de valorisation ; 2) que cette subsomption du concret par la dynamique de l’accumulation de capital (A-M-A’) a des conséquences dévastatrices pour l’environnement. Cette compulsion, qui a à voir avec les normes du temps de travail socialement nécessaire en place et l’extraction de la survaleur relative, impose, via la concurrence entre les entreprises, des niveaux toujours croissants de productivité, de production et, ce faisant, de consommation de matières premières à toutes les entreprises, pour obtenir des augmentations toujours plus minces de la masse cumulée de profits. Au fur et à mesure que l’accumulation devient plus difficile, la crise économique aggrave par conséquent la crise écologique. Le mode de (re)production capitaliste repose ainsi sur une forme abstraite de richesse – la (sur)-valeur – qui est intrinsèquement autotélique, sans limites et, en tant que telle, implique une forme de croissance économique effrénée, délétère pour la biosphère.

 

Technologies apocalyptiques 
Le complexe économico-scientifique et l’objectivation destructive du monde
Robert Kurz

Dans « Technologies apocalyptiques. Le complexe économico-scientifique et l’objectivation destructive du monde », Robert Kurz esquisse la théorisation d’une « violence naturelle de seconde nature » ancrée dans le processus scientifique-technologique moderne et le paradigme épistémologique de la science moderne. S’appuyant sur le courant de la critique féministe des sciences, l’auteur cherche à prendre en considération la forme sociale capitaliste dans la détermination d’une critique de la science et de la technologie, en décrivant certaines caractéristiques de la racine commune de la science, de l’économie et de l’État dans la révolution des armes à feu au début de l’ère moderne. À cette époque s’est constituée une image de la personne et de la nature, étranges, hostiles et objets de manipulation, spécifiquement liée au capitalisme, mais aussi une stricte séparation entre sujet et objet. Le milieu du xxe siècle constitue pour l’auteur un moment charnière où la violence et la manipulation technologique-scientifique encore secondaire, indirecte et « extérieure » à la nature terrestre, devient intérieure et franchement apocalyptique avec les développements des technologies atomique et génétique. Une violence se passant de la nature terrestre et de la vie elle-même, pour se créer une « autre nature », une « autre biologie » à son image.

 

Travail mort, travail vivant
Le gouffre énergétique de la société du travail                                                          
Sandrine Aumercier

Dans « Travail mort, travail vivant. le gouffre énergétique de la société du travail», Sandrine Aumercier revient sur certains thèmes développés dans son livre Le Mur énergétique du capital (.2021) À partir du constat d’un emballement technologique qui ressemble à une  «force de la nature «  et qui est souvent présenté avec fatalité dans les débats écologiques, mais qui n’est au fond qu’une force sociale, Aumercier met en évidence l’articulation de la société du travail et du paradigme thermodynamique ainsi que leur émergence historique commune. Elle examine en particulier la substitution du travail mort au travail vivant en relisant la catégorie marxienne de « composition organique du capital» du double point de vue de la composition-valeur et de la composition technique. La réflexion sur le dépassement du capitalisme ne peut, dès lors, plus s’inscrire dans la perspective encore bourgeoise d’une gestion plus efficiente des ressources ou d’une planification rationnelle sur la base des technologies atteintes sous le capitalisme, mais doit remonter à la critique sans concession du travail abstrait comme substance du capital et «carburant  « de son développement effréné, laquelle entraîne nécessairement une critique du système technoscientifique globalisé.

 
L’Ascension des automates voraces
La Révolution industrielle en tant qu’imposition du travail abstrait et de l’extractivisme minier 
Daniel Cunha

En s’appuyant sur l’hypothèse méthodologique d’Immanuel Wallerstein selon laquelle le capitalisme évolue toujours en tant que totalité (un système-monde), et non en sous-unités nationales, l’article de Daniel Cunha, « L’ascension des automates voraces. La Révolution industrielle en tant qu’imposition du travail abstrait et de l’extractivisme minier », cherche à reconstruire l’histoire de la révolution industrielle non pas comme un processus britannique, mais comme une histoire mondiale. Pour ce faire, il se concentre sur la médiation entre la mécanisation (centrée sur la Grande-Bretagne) et les frontières des marchandises dispersées dans l’économie-monde capitaliste, des montagnes de l’Oural à la vallée du Mississippi, des Cornouailles à l’Afrique de l’Ouest. L’auteur cherche à montrer que la révolution industrielle a été une imposition colossale de travail abstrait et d’extractivisme sauvage. À son tour, la résistance à cette imposition (rébellions d’esclaves, luddites, banditisme social, etc.) était également mondiale-historique, mais elle est restée invisible dans l’historiographie officielle en raison des méthodologies qui reproduisent l’ontologie du travail abstrait. Si l’auteur ne se situe pas exactement dans la conceptualisation du travail abstrait liée à la critique de la valeur-dissociation, les matériaux brassés par l’article sont des plus intéressants. La conception de la dialectique implicite dérive ici de Moishe Postone, Lucio Colletti et Adorno, comme une épistémologie historiquement spécifique de la société marchande.

 

Objectivité inconsciente
Aspects d’une critique des sciences mathématiques de la nature
Claus Peter Ortlieb

Dans « Objectivité inconsciente. Aspects d’une critique des sciences mathématiques de la nature », Claus Peter Orlieb s’inscrit d’abord dans la continuité de la critique féministe des sciences de la nature, telle que la formule par exemple la biologiste américaine Evelyn Fox Keller. Il s’oppose ensuite à l’idée d’une science axiologiquement neutre et à l’idée de progrès scientifique, lequel traduit la dynamique de la socialisation bourgeoise. La prétention des Lumières et des sciences à l’universalité est une façon d’ontologiser la synthèse sociale capitaliste mais aussi de naturaliser la domination patriarcale et la domination sur la nature. Enfin, la mathématisation du réel est présentée comme intrinsèquement liée au fétichisme de la marchandise.

 

Dissociation et fonctionnalisation du sexe féminin dans les sciences modernes
À propos de Domination de la nature et féminité d’Elvira Scheich
Clémence Bertier

Dans « Dissociation et fonctionnalisation du sexe féminin dans les sciences modernes », Clémence Bertier présente les thèses du livre d’Elvira Scheich, professeur d’histoire des sciences à la Freie Universität de Berlin, Domination de la nature et féminité. Formes de pensée et fantasmes des sciences modernes de la nature (1993), cité à plusieurs reprises par Roswitha Scholz comme une critique pertinente de la science et de la technologie sous le patriarcat capitaliste. Un ouvrage qui se situe à la jonction de la critique marxiste de l’épistémologie des sciences initiée par Alfred Sohn-Rethel, insistant sur le lien interne entre les abstractions scientifiques et les lois abstraites du monde capitaliste, et la critique féministe des sciences qui souligne l’alliance de la science, du pouvoir et de la masculinité dans la modernité scientifique.

VARIA

Le « capitalisme asiatique » et la crise mondiale
Marcos Barreira & Maurilio Lima Botelho

Le « Varia » de ce numéro comprend quatre textes. Il s’ouvre sur une traduction de l’article de deux auteurs brésiliens, Marcos Barreira et Maurilio Lima Botelho, « Le “capitalisme asiatique” et la crise mondiale ». Les auteurs y confrontent la théorie d’un déplacement du centre d’accumulation du capitalisme vers l’Asie portée notamment par divers économistes, et des auteurs tels Immanuel Wallerstein et Giovanni Arrighi, aux interprétations et analyses « économiques » développées par des auteurs liés à la critique de la valeur-dissociation. Ils reviennent tout particulièrement sur l’histoire du capitalisme en Asie ces quarante dernières années, du « miracle japonais » des années 1980 au nouveau « miracle » de la croissance chinoise au début du xxie siècle. Ils montrent combien le « déplacement du centre d’accumulation » révèle en réalité une crise du modèle d’accumulation fordiste, la formation d’une conjoncture mondiale de « bulles financières » vers laquelle se réfugie le capital monétaire, et la place des investissements spéculatifs et le crédit d’État.

 

L’histoire est-elle toujours matérialiste ? 
Anselm Jappe

« L’histoire est-elle toujours matérialiste ? » d’Anselm Jappe part de la question suivante : la nécessaire critique du « matérialisme historique » avec son schéma « base économique/superstructures sociales et culturelles » n’implique-t-elle pas une mise en discussion du couple conceptuel « matérialisme/idéalisme » ? Cet article veut constituer une première introduction à un vaste complexe de questions qui comprend la place qu’occupent le sacrifice et le don, et de manière plus générale la dimension du symbolique, dans les sociétés autant prémodernes que modernes ; l’origine « naturelle » ou plutôt « culturelle » des besoins et des motivations ; la relation entre le fétichisme de la marchandise et les autres formes de fétichisme ; les origines religieuses du capitalisme dans le sacrifice. Seront examinées surtout les contributions de George Bataille, de Marshall Sahlins et du premier Jean Baudrillard, pour terminer en établissant un lien avec Argent sans valeur, le dernier livre de R. Kurz. Il faut reconnaître que l’économie capitaliste elle-même n’est pas « rationnelle », mais dérive du sacré. Cela contredit les tentatives de reconduire les comportements individuels et collectifs uniquement à des calculs utilitaristes et devra permettre de mieux comprendre le caractère profondément irrationnel du capitalisme.

 

Jacques Bidet et le travail abstrait des « jardinières » du néolithique
Réponse à l’article de Jacques Bidet, « Misère dans la philosophie marxiste » à propos de Moishe Postone         
Benoît Bohy-Bunel

Dans « Jacques Bidet et le travail abstrait des “jardinières” du néolithique  », Benoît Bohy-Bunel revient sur l’article de Bidet critiquant dans la revue Période en 2014, l’œuvre-maîtresse de Moishe Postone, Temps, travail et domination sociale. Il s’avère que Bidet ne produit qu’un énième discours marxiste traditionnel, ontologisant les catégories de base du capitalisme (marchandise, valeur, argent, travail abstrait). Bidet passe à côté de l’originalité de Postone, et de la nécessité de penser avec un Marx ésotérique pour penser le capitalisme actuel.

 

Les vues de l’esprit de Monsieur Alain de Benoist
Considérations sur la tentative de récupération de la critique de la valeur par la droite
Norbert Trenkle

Dans « Les vues de l’esprit de Monsieur Alain de Benoist », Norbert Trenkle se penche sur la réception et la perception de la critique de la valeur dans certains cercles de l’extrême-droite, et tout particulièrement sur les intentions et la manière de ces gourous de droite quand ils piochent dans la critique de la valeur ou dans la théorie de Marx pour les accommoder à leurs idées. Quelles mésinterprétations et omissions effectuent-ils ? À quelles élaborations théoriques de la critique de la valeur recourent-ils afin de les interpréter à travers le prisme de leurs propres thèmes ?

 

NOTES DE LECTURE
 
Le cours ordinaire des choses et ses subterfuges
Une lecture des présupposés de Søren Mau dans Stummer Zwang         
Frank Grohmann
 
Marildo Menegat : l’œil contre la barbarie
À propos de La Critique du capitalisme en temps de catastrophe   
Frederico Lyra de Carvalho
 
A propos de Guillermo Rochabrún, El Capital de Marx. Afirmación y replanteamiento                 
Anselm Jappe

La revue inaugure une rubrique de recensions de divers ouvrages, à laquelle nous vous invitons à participer. Fidèle à sa vocation de passerelle entre différentes espaces linguistiques de la critique de la société, on y retrouvera les comptes-rendus de l’ouvrage du marxiste Søren Mau, Stummer Zwang par Frank Grohmann, du livre de l’auteur brésilien Marildo Menegat, A Crítica do capitalismo em tempos de catástrofe par Frederico Lyra, ainsi que la recension d’un ouvrage paru au Pérou du marxiste péruvien, Guillermo Rochabrún, El Capital de Marx, par Anselm Jappe.

 

VERSUS
 
Critiquer Raoul Vaneigem
La subjectivité radicale considérée sous ses aspects psychologique,
économique, politique, sexuel et notamment philosophique                 
Alastair Hemmens

Après l’article « Contre Lordon » de Benoît Bohy-Bunel dans le n°2 de la revue, et celui sur « Le mythe du revenu de base inconditionnel » d’Ivan Recio dans le n°3, notre rubrique « Versus » qui cherche à se confronter à d’autres champs de la critique sociale, accueille cette fois l’article d’Alastair Hemmens, « Critiquer Raoul Vaneigem. La subjectivité radicale dans l’Internationale situationniste prise en compte dans ses aspects psychologiques, économiques, politiques, sexuels et, en particulier, philosophiques.» L’Internationale situationniste s’est bien souvent présentée elle-même comme la championne du « sujet », de la capacité humaine d’agir consciemment, à une époque où ce concept commençait à passer de mode. Il n’existe guère pourtant d’analyse sérieuse du « sujet » à un niveau conceptuel dans la littérature existante. En outre, lorsque la question du « sujet » est abordée, les critiques se sont avant tout attachées à l’œuvre de Guy Debord, alors même que cette question occupe une place éminente chez l’autre grand théoricien situationniste, Raoul Vaneigem. Ce dernier a ainsi avancé nombre d’idées qu’on ne retrouve pas chez Debord ou bien qu’il n’a guère développées. Sa notion de « subjectivité radicale », en particulier, sert de point de départ critique pour une comparaison avec les thèses de Debord et permettre de mieux appréhender sa contribution à l’IS. Dans cet article, en s’appuyant sur une perspective critique nourrie par les nouvelles analyses du sujet offertes par la « critique de la valeur-dissociation », l’auteur tente une analyse devenue indispensable de la généalogie, du contenu et des ambiguïtés de la notion de « subjectivité radicale » avancée par Vaneigem et par l’IS en général.

Tag(s) : #Parutions & Bibliographie
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